Le marché noir russe de L’Oréal vu par ses dirigeants

Citations extraites des procès-verbaux de l’instruction et des documents référencés dans ce dossier

Finalité

L’important était le chiffre d’affaires réalisé. C’était bien une décision de la direction générale⁶ ».

En effet, la décision de mener, officieusement, à côté du contrat avec M. Mercun, des affaires sur le marché russe relève d’une décision de la direction de la division. En tant que directeur administratif et financier de Zone avant M. Zanella, j’ai moi-même été témoin d’une réunion de M. Guisset (alors patron de la Zone) avec M. Guyot-Jeannin⁷ ainsi qu’à des échanges avec M. Cabane⁸. D’ailleurs, ce dernier en personne fixait le niveau de prix (tandis que la direction de la division validait les volumes), ces informations transmises à M. Guisset, puis à moi-même étaient ensuite adressées à Parmobel⁹ qui servait de base avancée de logistique (et qui utilisait comme vous le savez des sociétés écrans du Groupe Chalhoub qui ne faisait que suivre les instructions venant de la direction de Parmobel tant pour les prix que pour les volumes notamment en fonction des besoins financiers de la division)¹⁰ ».

Le business model adopté par PBI

La marge pour l’importateur en Russie doit être obligatoirement faite à l’extérieur pour des raisons douanières et fiscales russes... en conséquence, l’approvisionnement du marché se fait sur le marché gris, notamment par le Moyen-Orient, l’Italie, la France, les USA, l’Allemagne, la Turquie, les duty free, etc. ... c’est-à-dire là où les importateurs russes trouvent des produits devenant ainsi compétitifs, puisque ne payant pas les droits de douane…¹¹ »

Le circuit du marché noir de PBI avec la mafiya russe

A cette époque, c’est-à-dire à fin 1996, Serge Guisset m’a dit que M. Patrick Chalhoub l’avait introduit auprès d’un nouveau distributeur russe qui s’appelait Vladimir Nekrasov, via l’intermédiaire de Claudine Kawiak… Il m’a précisé que ce nouveau circuit… allait faire intervenir Patrick Chalhoub, Claudine Kawiak et Vladimir Nekrasov… afin d’alimenter le marché russe.

Afin de laisser des marges en Suisse, M. Guisset m’a aussi précisé qu’un certain M. Rechberger allait intervenir... Ce circuit devait se mettre en place dès 1997.

Concrètement, M. Guisset m’a remis des listes de produits, et je devais vérifier avec Robert Dufrêne les quantités disponibles. Je devais ensuite les communiquer par téléphone à M. Rechberger. Le numéro de téléphone m’avait été donné par Serge Guisset. Il s’agissait d’un numéro en Suisse.

Serge Guisset m’a demandé de facturer Parmobel. Et ensuite Parmobel devait facturer Fitra, une société basée à Dubaï et appartenant aux Chalhoub. A Paris, la commande était traitée comme une commande de Parmobel¹² ».

Camouflage

Je n’ai pas trouvé rassurant que… personne n’ait été en mesure de me parler du circuit logistique : nous facturons Fitra, puis… Mystère!¹³ »

Aujourd’hui, les ventes incriminées… sont des ventes effectuées par la filiale PBI à Dubaï qui vend à une société tierce, Fitra, pour éviter d’exposer une filiale L’Oréal, et dont l’actionnaire est l’actionnaire minoritaire de la filiale de Dubaï…. La filiale n’a jamais vendu, ou livré directement à l’URSS ; c’est la société Fitra qui achète et vend à des agents du Moyen-Orient, et vend également à des pays de l’ex-URSS, y compris la Russie, la Biélorussie et l’Ukraine¹⁴ ».

Commissions en Suisse, rallonges pour les douanes russes

Après des négociations extrêmement longues et difficiles, nous avons pu mettre au point une structure de prix… qui comprend… 15% de marge à Hermitage/Nekrasov à Genève, 30% de droits de douane. Les frais douaniers sont en réalité plus de 60%... Dans le cas qui nous concerne, une déclaration douanière est obtenue avec des droits qui coûtent entre 20 et 25% avec une rallonge officieuse de l’ordre de 5 à 10%¹⁵ ».

6 Jean-Claude Bonnefoi, directeur, Parmobel, filiale de L’Oréal à Dubaï, Procès-verbal, cf.

7 Directeur général International, PBI.

8 Directeur financier, PBI.

9 Parmobel est une filiale de L’Oréal à Dubaï. Actionnaire minoritaire : Groupe Chalhoub, Dubaï. Sa vocation juridique était da canaliser le courant d’affaires généré par certains marchés moyen-orientaux desservis par le Groupe Chalhoub et non le marché noir russe de L’Oréal en Russie.

10 Etude du Scellé N° Olivier Carrobourg DEUX (Notes du dossier « Corbeille » de son ordinateur), cf.

11 Me Jean-Marie Degueldre, conseil de L’Oréal, Note du 6 janvier 1998, cf.

12 Olivier Carrobourg, Témoignage, cf.

13 Guillaume Sanchez, Risque de Diversion Moyen-Orient, cf.

14 Me Jean-Marie Degueldre, Note du 6 janvier 1998, cf.

15 Patrick Chalhoub, Marché russe, 22 mai 1997.