Chronologie
1994-1995 : Tout commence par un marché gris
Les premiers signes d’un marché gris (parallèle) sur le marché russe de PBI apparaissent avec les importations de touristes russes ayant voyagé au Moyen-Orient. Ils s’y approvisionnent notamment auprès des agents de la filière L’Oréal/Chalhoub dans la région et s’organisent progressivement en réseaux.
1995 : Premières violations des contrats d’exclusivité de Temtrade
Serge Guisset, directeur, Zone Moyen-Orient et Pays de l’Est, PBI Paris, et Jean-Claude Bonnefoi, directeur de Parmobel, Dubaï, acceptent la proposition de Patrick Chalhoub de mettre en place deux circuits via le Liban (Socodile) et la Syrie (Massoud) pour contrôler les quantités et les prix de ce courant d’affaires – et permettre à Parmobel de récupérer les marges des agents.
Septembre 1996
Gilles Weil, Serge Guisset et Patrick Chalhoub décident à Dubaï de créer un stock spécial de produits pour le marché noir russe. Il se trouvera chez la société Fitra, filiale de Chalhoub à Dubaï.
4e trimestre 1996
L’organisation d’un marché noir russe de grande ampleur se met en place avec deux
filières russes : Arbat Prestige/Nekrasov et Camasa/Berezovski que représente Claudine Kawiak, bras droit de Vladimir Nekrasov et ancienne directrice de Helena Rubinstein,
filiale de L’Oréal. Serge Guisset rencontre Vladimir Nekrasov dans les bureaux de Fitra. Martin Rechberger (société Parbeauté, Bâle) entre en scène pour laisser des marges en Suisse240. Parmobel devient une société de facturation241 pour le marché noir russe.
4e trimestre 1996 : « Marché noir ponctuel sur la Russie »
Au quatrième trimestre 1996, la Division Luxe de L’Oréal a dû impérativement faire du chiffre d’affaires pour atteindre ses objectifs sur l’année.
La direction générale décide de combler son retard en faisant du chiffre en Russie. Selon le Témoignage d’Olivier Carrobourg (cf.), « Jean-Yves Frolet, le patron de PBI, nous a dit … que ce chiffre d’affaires serait logé dans les duty free. Il avait vu cela avec M. Cabane, le directeur financier de Gilles Weil, vice-président de L’Oréal en charge de la Division des produits de luxe. M. Cabane était d’accord ».
Ce marché noir « ponctuel » passe par la maison Georgantas d’Athènes, agent de L’Oréal pour les boutiques duty-free en Grèce, qui avait sensibilisé Jean-Yves Frolet du potentiel du marché sauvage de la parfumerie en Russie.
PBI fait aussi appel à un autre relais dans le cadre de cet effort ponctuel : la société chypriote offshore Research & Development Services, domiciliée à Chypre et contrôlée par un agent indépendant de L’Oréal travaillant en Suisse, Martin Rechberger, appelé ultérieurement à jouer un rôle central dans le marché noir russe de L’Oréal.
L’effort ponctuel a été un succès, mais ce n’était pas un bon circuit
« Au résultat des courses, le chiffre d’affaires qu’avait demandé M. Jean-Yves Frolet a bien été réalisé avec cet agent Georgantas. Et pourtant, M. Guisset m’a fait part qu’il considérait que ce n’était pas un bon circuit pour faire du chiffre d’affaires sur la Russie, sans d’ailleurs me donner les raisons qui le motivaient242 ».
Janvier 1997
Démarrage fulgurant du marché noir russe (filière crime organisé russe) qui atteint son pic historique en quelques mois déjà.
27 Février 1997
PBI renouvelle les contrats Temtrade pour trois ans jusqu’au 31 décembre 1999 mais en supprime la clause de reconduction tacite.
Mai 1997
Patrick Chalhoub rencontre Vladimir Nekrasov à Moscou. Il informe ensuite PBI/Parmobel que celui-ci espère un jour représenter PBI ou s’y associer. Tous deux voient les choses en grand, avec un potentiel de vente PBI estimé à 30 millions de dollars/an (prix de gros).
Temtrade découvre que le principal opérateur du marché noir russe de PBI est Arbat Prestige à la réputation plus que douteuse.
À la fin de l’année, PBI demande à Temtrade de réaménager plus luxueusement encore les boutiques de la Distribution sélective, aux frais de Temtrade.
30 janvier 1998
L’Oréal (PBI) et Temtrade signent un Avenant aux contrats censé remettre en ordre le marché de la Distribution sélective en agissant contre le marché noir, marché dont PBI
- « … ne peut plus garantir que des produits ne soient pas introduits [sur les marchés dont Temtrade avait l’exclusivité] par d’autres circuits…
- se déclare incapable d’ [en] exercer le contrôle [marchés russe, ukrainien et biélorusse]243 , avant de conclure que
- « la seule obligation de PBI et de ses filiales… est désormais de ne pas livrer directement sur le territoire concédé des produits à des distributeurs tiers aux contrats jusqu’ au 31 décembre 1999 ».
- Temtrade reçoit 20 millions de francs français (environ 3 millions d’euros) pour tout préjudice passé, présent ou futur jusqu’à l’expiration des contrats en cours.
L’Avenant n’a aucun impact sur l’activité du marché noir russe qui repart de plus belle.
20 mars 1998
Les Douanes belges, informées par L’Oréal qu’il pourrait s’agir de contrefaçons, saisissent 6.5 tonnes de produits PBI à l’aéroport de Bruxelles, en provenance de Dubaï et à destination de Moscou (filière Camasa-Moscou). Une partie devait être livrée aux USA avant même de parvenir à Moscou.
L’Oréal porte plainte pour contrefaçon. En réalité, la marchandise était authentique. Le dépôt d’une plainte était un artifice pour cacher son rôle direct sur le marché noir russe et mettre fin à la filière Camasa-Moscou, peu fiable.
Les livraisons sur le marché noir russe sont interrompues. Les responsables de PBI étudient diverses solutions pour diminuer les importants stocks de produits destinés à la Russie à Dubaï.
18 juin 1998
PBI octroie l’exclusivité de ses marques pour la Russie à Star Beauté (émanation de la filière Arbat Prestige) à partir du 1er janvier 2000. Ce contrat de dix ans est signé à Paris par Gérard Guyot-Jeannin, directeur général International, bras droit de Gilles Weil, cinq semaines avant la constitution de Star Beauté Ltd à Londres. Le point 2 de ce contrat indique, six mois avant que Temtrade n’en soit informée, que les contrats Temtrade seront résiliés à fin 1999.
Le même jour, Gilles Weil, signe à Paris une convention de séquestre libérant Star Beauté des obligations de la Distribution sélective244.
Septembre 1998
Gilles Weil autorise la reprise des livraisons sur le marché noir russe mais exclusivement avec la filière d’Arbat Prestige.
28 décembre 1998
PBI résilie les contrats Temtrade au 31 décembre 1999, sans donner d’explications.
1999
Lindsay Owen-Jones crée la surprise en annonçant qu’il se rendra à Dubaï à fin janvier.
18 janvier 1999
Lettre de Janez Mercun à Lindsay Owen-Jones : « Nous mettons fin à notre collaboration dans des circonstances que j’estime déshonorantes pour votre Société… PBI, en dépit des termes de notre contrat, a organisé les ventes sur le marché noir de Russie et d’Ukraine… »
27 janvier 1999
Lors d’une réunion de la Direction générale de PBI à Dubaï, Olivier Carrobourg présente à Lindsay Owen-Jones l’activité de Parmobel avec les ex-républiques soviétiques musulmanes et l’organisation du marché noir. Le PDG de L’Oréal demande qu’il y soit mis fin. Sa décision fera long feu.
23 septembre 1999
Temtrade engage une procédure civile à l’encontre de L’Oréal auprès du Tribunal de commerce de Paris.
31 décembre 1999
Fin des contrats entre Temtrade et PBI.
1er janvier 2000
Début du contrat d’exclusivité de 10 ans avec Star Beauté. L’opérateur du marché noir russe de PBI, contrôlé par les cercles les plus redoutables de la mafiya russe, devient l’agent officiel
en Russie de l’une des sociétés les plus prestigieuses de France.
2004
PBI résilie le contrat Star Beauté de manière anticipée en versant, à des bénéficiaires qu’elle est la seule à connaître, deux montants de respectivement 26 millions et 3 millions d’euros sans aucune obligation contractuelle de sa part.
12 octobre 2005
Engagement de la procédure pénale : Temtrade dépose plainte contre X.
14 juin 2015
Par un Arrêt de la Cour de cassation du l’Arrêt de la Cour d’appel de Paris du 23 novembre 2002 est devenu définitif.
28 Novembre 2017
Relaxe de Janez Mercun.
240 Olivier Carrobourg, Témoignage, cf.
241 Jean-Claude Bonnefoi cité par Guillaume Sanchez, Procès-verbal, cf.
242 Olivier Carrobourg, Témoignage, cf.
243 Temtrade devait découvrir ultérieurement que les dirigeants de L’Oréal avec qui elle a négocié et signé cet Avenant étaient les instigateurs mêmes du marché noir.
244 Star Beauté n’avait pas de magasins. Le patron de la Division Luxe de L’Oréal, Gilles Weil, avalisait ainsi la vente des marques les plus prestigieuses de PBI dans des hangars, kiosques, magasins cash & carry, des parfumeries de second ordre, à même la rue…