Le marché noir russe de L’Oréal en bref

Objectif stratégique

PBI a décidé d’exploiter systématiquement le potentiel du marché sauvage de la parfumerie en Russie, Biélorussie et Ukraine en fonction de ses objectifs financiers, à l’insu de son agent et distributeur exclusif, la société Temtrade.

Marques concernées : Lancôme, Guy Laroche, Ted Lapidus, Cacharel, Fidji, Anaïs Anaïs…

Tactique

Travailler dans la clandestinité pour se conformer au modus operandi de la mafiya russe, qui contrôlait les distributeurs russes sous-traitant le marché noir russe pour le compte de L’Oréal.

Le système du marché noir russe

  • Direction générale du marché noir : membres du management Groupe et de PBI à Paris.
  • Produits, quantités et prix dictés par la direction générale de PBI en fonction de ses besoins financiers (Olivier Carrobourg).
  • Institution d’une chaîne de commandement fortement hiérarchisée, restreinte et sans délégation de responsabilité par PBI à Paris.
  • Dissimulation du courant d’affaires russe dans Parmobel, filiale de L’Oréal à Dubaï (actionnaire minoritaire : Groupe Chalhoub), dont la vocation juridique était de travailler avec le Groupe Chalhoub au Moyen-Orient et non en Russie.
  • L’activité officielle de PBI au Moyen-Orient a servi de paravent au marché noir russe.
  • Utiliser l’actionnaire minoritaire de Parmobel, le Groupe Chalhoub, comme prête-nom pour masquer l’intervention directe de L’Oréal Paris sur le marché noir russe.
  • Parmobel revendait donc virtuellement les produits destinés au marché noir russe à une société-écran du Groupe Chalhoub, Fitra International Ltd, qui, elle, livrait les filières de ce marché.
  • La traçabilité des produits vendus sur le marché noir russe ne remontait pas en amont de Fitra/Chalhoub et Parmobel/Dubaï.

Principales caractéristiques

  • Sous-traitance du marché noir russe à deux filières (1997-mars 1998) puis à une seule (mars 1998-31 décembre 1999), toutes deux contrôlées par le crime organisé russe.
  • Assortiment spécial (essentiellement des parfums) pour le marché noir russe défini par PBI à Paris.
  • Marquage des produits par codes-barres spécifiques pour le marché noir russe.
  • Expéditions sur la Russie par fret aérien régulier de Dubaï et Sharjah via Genève ou Bruxelles (jusqu’en mars 1998) ou directement de Sharjah par les avions militaires russes de Viktor Bout.16 A l’embarquement, les produits étaient fréquemment mélangés à des contrefaçons17.
  • Des produits de contrebande : sauf exception, les opérateurs russes ne payaient ni droits de douane ni TVA en Russie, les produits y étant importés illégalement.
  • Les opérateurs du marché noir russe distribuaient les marques de PBI sur le marché sauvage de la parfumerie : kiosques, magasins cash & carry, hangars, grossistes et parfumeries de second ordre, à même la rue… Les prix étaient inférieurs de 40%, voire 60%, à ceux du marché officiel de la Distribution sélective dont Temtrade avait l’exclusivité.

Un système préjudiciable à l’image du groupe et de ses produits

  • Lorsqu’il a demandé, à l’occasion d’une réunion de la direction de la Division Luxe à Dubaï en janvier 1999, qu’il soit mis fin au marché noir russe, Lindsay Owen-Jones, PDG du Groupe au moment du marché noir russe, a déclaré : « Ma préoccupation était la préservation de l’image de luxe des produits L’Oréal et je leur ai donc dit de mieux maîtriser les fuites de produits L’Oréal à l’étranger18 ».

Un système peu rentable

Pour les actionnaires de L’Oréal, la rentabilité du marché noir russe était nettement inférieure à celle de la Distribution sélective assurée par Temtrade. Les marges étaient impactées par les coûts d’une logistique lourde : intermédiaires, frais d’entreposage et de gestion, fret aérien, inspections Veritas et SGS, assurances et frais jusqu’à Moscou… à la charge de L’Oréal en France et Parmobel à Dubaï, sans oublier l’incidence de frais cachés souvent créatifs. Sur la finalité et la justification du marché noir russe.

16 Signe évident de l’ampleur des marges de ce marché noir, le transport aérien était peu utilisé en parfumerie parce que très coûteux. Communication personnelle.

17 Selon une source proche de Kurs à Moscou (filière Camasa-Moscou).

18 Lindsay Owen-Jones, Procès-verbal, cf.