Direction de PBI
Gérard Guyot-Jeannin
Directeur général International, bras droit de Gilles Weil.
- Administrateur de Parmobel à Dubaï.
- A interdit à Guillaume Sanchez, directeur de la protection des marchés, de se rendre à Dubaï pour y poursuivre son enquête sur le risque de diversion au Moyen-Orient qui avait fait l’objet d’un rapport détaillé à Serge Guisset avec copie à Gilles Weil, Gérard Guyot-Jeannin et Jean-Claude Bonnefoi – un déplacement inutile.
- Cosignataire avec Gilles Weil de l’Avenant du 30 janvier 1998 aux contrats Temtrade.
- Signataire du contrat du 19 juin 1998 octroyant l’exclusivité de ses marques de luxe en Russie pour dix ans à compter du 1er janvier 2000 à Star Beauté. Or, celle-ci n’a été légalement constituée à Londres que cinq semaines plus tard, le 24 juillet 1998.
Dans sa déposition sous serment, Gérard Guyot-Jeannin déclare tout ignorer d’un marché noir organisé par L’Oréal en Russie et ne se rappelle pas que le sujet ait été abordé lors de la réunion du management de PBI à Dubai en janvier 1999:
J’ignorais qu’il s’agissait d’un circuit organisé. Je savais qu’il y avait des produits L’Oréal vendus en Russie, je savais qu’ils venaient de pays très divers. Ce problème de la diversion est mondial. Je n’étais pas informé de l’organisation d’un circuit spécifique via la filiale Parmobel… A ma connaissance il n’y a pas eu d’instructions précises disant qu’il fallait faire du chiffre avec la Russie106 ».
… je savais qu’il y avait des circuits parasitaires mais c’est tout, ce n’était pas organisé107 ».
Je n’ai pas souvenir que la Russie ait été évoquée particulièrement au cours de cette réunion108 ».
Témoignages contradictoires:
Jean-Claude Bonnefoi :
A une question sur la « mise en place de ce système qui a commencé en 1996 à la demande de la direction générale, M. Weil, M. Cabane, M. Guyot-Jeannin, M. Frolet » (extraite de la déposition d’Olivier Carrobourg du 25 janvier 2007), Jean-Claude Bonnefoi répond: « C’était bien une décision de la direction générale109 ».
Serge Guisset :
En revanche on ne nous a jamais demandé de manière claire de développer le marché gris, la Direction Générale, que ce soit M. Weil, M. Guyot-Jeannin, M. Cabane nous ont encouragés à laisser faire… Il n’y a pas eu d’instruction claire de développer le marché gris110 ».
Olivier Loustalan :
Quand je parle de la direction et des dirigeants de la Division Luxe, il s’agit à chaque fois de M. Guisset, de M. Weil et de M. Guyot-Jeannin, directeur adjoint de la division111 ».
Directeur, Zone Moyen-Orient et Pays de l’Est. Responsable de certains marchés d’Afrique et de pays où L’Oréal n’avait pas de filiales. Le procès-verbal de sa déposition lui donne le titre de directeur général adjoint de PBI.
- Administrateur de Parmobel jusqu’au 31 décembre 1999.
- Dépendait de Gilles Weill et Gérard Guyot-Jeannin. Dans sa déposition, Olivier Loustalan déclare cependant que Serge Guisset était directement rattaché à Gilles Weil depuis le décès de Jean-Yves Frolet en 1997.
Au cœur du système du marché noir russe
Lors de son interrogatoire, Serge Guisset nie catégoriquement que le marché noir russe ait été délibérément organisé par L’Oréal : la société n’aurait fait que répondre à une forte demande qui n’était pas satisfaite par Janez Mercun et comme les chiffres de PBI n’étaient pas bons, « la direction générale, que ce soit M. Weil, M. Guyot-Jeannin, M. Cabane nous ont encouragés à laisser faire112 ».
… il n’y a pas eu de réseau institué par PBI à travers Parmobel. En revanche, nous avons laissé faire un certain nombre de choses parce que cela générait du chiffre d’affaires… J’entends par là que des particuliers puis des grossistes sont venus massivement acheter des produits en boutique ou directement chez des agents de Parmobel dans le but de revendre dans les pays en « stan » et probablement également en Russie. Mais je vous précise qu’il ne s’agit pas d’un réseau que nous avons mis en place ou institutionnalisé. J’entends par là que nous n’avons pas mis en place ce système. Ce sont des acheteurs russes ou des pays de l’Est qui sont venus spontanément acheter massivement des produits à Dubaï et pour des raisons commerciales nous avons laissé cela se développer113 ».
Pour préciser mes dires, il n’y a pas eu de démarchage de notre part auprès de grossistes russes, les sollicitations émanent d’eux114 ».
En réalité, Serge Guisset a été directement impliqué, dès le début, dans la création et l’organisation du marché noir de L’Oréal en Russie :
La mise en place de ce système a commencé en 1996 à la demande de la direction générale, Gilles Weil, M. Cabane, M. Guyot-Jeannin, M. Frolet… M. Guisset, directeur de Zone « Centre-Orient », a expliqué qu’il y aurait possibilité de faire du chiffre sur la Russie mais « dans le dos » de la société Temtrade… Au début, nous sommes passés par l’intermédiaire de M. Georgantas, l’agent duty free pour la Grèce… Le contact commercial s’est établi entre M. Georgantas et M. Guisset …115 ».
- Serge Guisset s’est rendu à Dubaï en septembre 1996 avec Gilles Weil. À l’issue d’une réunion avec Patrick Chalhoub, il a été décidé de constituer un stock Fitra « à destination des Pays de l’Est116 ».
- Il a été au cœur de toute la filière du marché noir russe :
A cette époque, c’est-à-dire à fin 1996, Serge Guisset m’a dit que M. Patrick Chalhoub l’avait introduit auprès d’un nouveau distributeur russe qui s’appelait Vladimir Nekrasov, via l’intermédiaire de Claudine Kawiak… Il m’a précisé que ce nouveau circuit, qui allait faire intervenir Patrick Chalhoub, Claudine Kawiak et Vladimir Nekrasov, allait donc remplacer le circuit Georgantas afin d’alimenter le marché russe. Afin de laisser des marges en Suisse, M. Guisset m’a aussi précisé qu’un certain M. Rechberger allait intervenir. Martin Rechberger est en fait un client de l’entité Duty Free Europe. Ce circuit devait se mettre en place dès 1997.
Serge Guisset m’a demandé de facturer Parmobel. Et ensuite Parmobel devait facturer Fitra, une société basée à Dubaï et appartenant aux Chalhoub. A Paris, la commande était traitée comme une commande de Parmobel… et parallèlement, Serge Guisset avait demandé à Robert Dufrêne de constituer un stock à Dubaï pour traiter l’ensemble de ces opérations russes qui seraient ensuite logées à Parmobel. Ce stock a donc été opérationnel à Dubaï à partir du deuxième trimestre 1997117 ».
- D’après Guillaume Sanchez, Claudine Kawiak l’aurait mis en relation avec Martin Rechberger de Bâle118 .
Chef opérateur du marché noir russe
Serge Guisset était responsable de la gestion quotidienne du marché noir russe sur instruction directe de la direction générale de PBI :
… En tant que directeur administratif et financier de Zone… j’ai moi-même été témoin d’une réunion de M. Guisset (alors patron de la Zone) avec M. Guyot-Jeannin ainsi qu’à des échanges avec M. Cabane119. D’ailleurs, ce dernier en personne fixait le niveau de prix (tandis que la direction de la division validait les volumes), ces informations transmises à M. Guisset, puis à moi-même étaient ensuite adressées à Parmobel qui servait de base avancée de logistique…120 ».
Il supervisait à ce titre l’activité de
- Parmobel à Dubaï
- Patrick Chalhoub et Maryse Awwad à Dubaï (Fitra)
- Claudine Kawiak (Moscou/Londres/Suisse), Martin Rechberger, Bâle.
Il était un rouage essentiel du système :
Je tenais la liste des parfums de M. Guisset avec les noms des parfums et les quantités. Au vu de cette liste, la commande partait dans le circuit logistique traditionnel…121 »
Pour moi les discussions avaient lieu entre Patrick Chalhoub et M. Serge Guisset (pour déterminer les prix des produits vendus à Fitra Doc). J’effectuais des calculs de rentabilité pour M. Guisset122 ».
Serge Guisset et la « Saisie de Bruxelles »
A la saisie de cette saisie en douane en 1998, Serge Guisset m’avait confié qu’il en avait marre de ces conneries [sic], c’était exactement ses termes et qu’il voulait à tout prix arrêter les circuits russes car il n’était pas payé pour cela123 ».
→ Cette réflexion suggèrerait-elle que le marché noir lui avait été imposé par la direction générale ?
Couvert par ses supérieurs hiérarchiques…
J’avais… la conviction que Serge Guisset était couvert par la direction de la Division Luxe…124 ».
… jusqu’à la réunion de Dubaï en janvier 1999:
Serge Guisset prend sur lui l’entière responsabilité du marché noir lors de la réunion de la direction générale de PBI in corpore à Dubai le 27 janvier 1999, au cours de laquelle Lindsay Owen-Jones a demandé qui était responsable de l’activité de Parmobel sur le marché russe :
Mes deux supérieurs hiérarchiques directs, MM. Weil et Guyot-Jeannin étant restés muets, j’ai décidé de prendre la parole. Je vous précise cependant que je n’ai jamais rien fait tout seul et que tout cela était dans les comptes125 ».
Certains témoins de la scène ont pensé que Serge Guisset se serait sacrifié dans l’espoir de toucher des indemnités de L’Oréal. Son attente a été déçue : il n’a rien reçu pour son « sacrifice ».
Avec le démarrage du contrat Star Beauté le 1er janvier 2000, qui avait fait de l’opérateur du marché noir russe Vladimir Nekrasov, membre notoire de la mafiya, l’agent officiel de PBI en Russie, il n’y avait plus de marché noir. Les compétences de Serge Guisset n’étaient plus nécessaires, et sa présence au siège de L’Oréal à Clichy, désormais indésirable. Il démissionna début 2000.
Un scellé joint au Procès-verbal de sa déposition inclut une « lamentation » écrite avant de quitter PBI ; extrait :
« Donc où suis-je. J’ai 50 ans. Quelle est mon image dans cette maison où après 20 « ans on persiste à me refuser la reconnaissance que mes états de service « mériteraient. Vous ne me voulez pas au gouvernement. Je suis un chef de guerre « (mercenaire). J’ai joué le jeu; je n’ai rien dit, j’ai été un bon soldat ou mercenaire « bien payé ou au gouvernement. Comme les pharaons, vous avez tué l’architecte pour faire oublier son rôle. »
Olivier Carrobourg
Directeur administratif et financier de L’Oréal (PBI) à Paris jusqu’en 1998, puis directeur financier de Parmobel à Dubaï (1998-2000).
- Il a fait partie du team chargé du marché noir russe « ponctuel » au quatrième trimestre 1996 (filière Georgantas), dirigé par Serge Guisset. Il y a travaillé avec Hugues de Beaugrenier, directeur administratif et financier des duty free, Robert Dufrêne, directeur des opérations de PBI, à Paris…
Dans son Témoignage et sa déposition, il livre un récit détaillé de son activité relative au marché noir russe, qu’il s’agisse de la filière Georgantas, limitée au 4e trimestre 1996, ou de la filière Arbat Prestige mise en place à la même époque.
Au démarrage de ce circuit, avant l’existence du stock Fitra.doc à Dubaï :
- À Paris, il recevait de Serge Guisset une liste de produits pour le marché noir russe, vérifiait l’état des stocks avec Robert Dufrêne et transmettait par téléphone à Martin Rechberger à Bâle, les quantités de produits disponibles.
- Il raconte comment il a coordonné l’une des premières commandes pour le marché noir russe par téléphone avec Martin Rechberger à Bâle, qui lui donna les coordonnées du transitaire à utiliser à Paris.
- Il participe à la constitution du stock Fitra.doc à Dubaï au premier semestre 1997.
- Il prend des initiatives comptables : création d’une fiche-client pour les livraisons du marché noir russe à Parmobel et le stock à Dubaï.
Il assistait parfois, à l’aéroport de Sharjah, au chargement des produits de PBI pour le marché noir russe sur les avions militaires russes de Viktor Bout.
- Fortement incité à démissionner, il quitte la Société en 2002.
Directeur de la zone Pays de l’Est de PBI, responsable direct du marché de la Distribution sélective mise en place par Temtrade en Russie.
Sa déposition présente fidèlement :
- les relations de travail et de confiance que L’Oréal et PBI avaient avec Temtrade
- le déploiement et l’organisation de la Distribution sélective en Russie par Temtrade, conformément au mandat de L’Oréal
- comment, alors qu’il était responsable pour la Russie (entre autres pays), il a été tenu à l’écart du marché noir russe parce que la direction générale de PBI considérait qu’il était trop proche de Janez Mercun (« De fait j’étais environ une semaine par mois au minimum en Russie et j’étais en contact très fréquemment avec M. Mercun ») et
- comment il l’a découvert.
Il a été poussé à la démission par le management de PBI pour s’être intéressé de trop près au marché noir russe :
[Mon licenciement] « est intervenu dans les mois qui ont suivi mes réclamations auprès de M. Guisset. En effet, nous ne pouvions plus nous parler, je savais qu’il me mentait, que la direction de ma division me mentait, donc nous avons négocié mon départ…126 ».
Extrait du Témoignage d’Olivier Carrobourg :
Olivier Loustalan, qui était en charge du marché russe, a été totalement écarté des affaires, aussi bien pour l’affaire Georgantas, fin 1996, que pour ces premières affaires qui ont été réalisées à Paris pour le compte Dubaï en début 1997. Serge Guisset m’avait effectivement expliqué qu’il était en discussion avec la direction de PBI pour négocier son départ. Jean-Yves Frolet considérait que M. Loustalan avait été un collaborateur précieux pendant la période des barter, mais que par rapport à la nouvelle situation qui se créait en Russie, il n’était plus du tout adapté. Et Olivier Loustalan quittera effectivement la société dans le courant de l’année 1997127 ».
Dynamisme de la collaboration Temtrade - PBI
Je précise qu’avec la suppression du rideau de fer à la fin des années 1980 et la fin des centrales d’achat, le chiffre d’affaires de PBI a chuté dans un premier temps de façon extrêmement conséquente. Puis le dynamisme de Temtrade a relancé l’activité et a permis de la développer mais en 1997 nous n’avions pas encore atteint le niveau de chiffre d’affaires réalisé avant la chute du rideau de fer.
Nous participions aux négociations commerciales menées par Temtrade avec les personnes en Russie, nous formions le personnel, nous l’assistions dans la conception des magasins et la réalisation des travaux. Nous élaborions avec eux toutes les activités de marketing et promotionnelles128 ».
Un marché noir très rentable pour les opérateurs russes
Dans ce circuit du marché noir, « il y avait des marges très considérables qui étaient prises sachant que les dépenses étaient limitées : pas de frais de distribution, pas de droits de douane, pas de frais de personnel129 ».
J’ai découvert le pot aux roses en 1997 »
Finalement en 1997 j’ai découvert le « pot aux roses » car un ami de PBI, M. Basset, directeur administratif de la Zone Grands Marchés, m’a fourni une facture à entête de PBI destinée à Parmobel avec la mention « contremarque Fitra ». Il y avait sur cette facture des quantités importantes de parfums en petite taille et manifestement destinés à la Russie comme par exemple le parfum Magie Noire qui était presque exclusivement vendu en Russie. Il était presque par hasard tombé sur cette facture.Au vu de cette facture, j’ai compris qu’il y avait un trafic organisé de marchandises dans lequel étaient impliquées PBI et Parmobel. On faisait sans me le dire des affaires sur la Russie. La mention « Fitra » ne me disait rien, j’ignorais qu’il s’agissait d’une société.
A partir de là j’ai été voir M. Guisset et M. Carrobourg, directeur financier de la Zone Grands Marchés pour demander des explications. Ils ne m’ont pas répondu, ne m’ont fourni aucune explication valable. J’ai également interpellé M. Sanchez de la protection des marchés à ce sujet et je n’ai eu aucune réponse. Au départ il ne m’a rien dit puis il m’a dit qu’il ne pouvait pas me répondre.
Une activité introuvable sur l’ordinateur »
A l’époque j’ai acquis la conviction que Serge Guisset et plus largement PBI faisaient des affaires en Russie importantes en se servant du relais Parmobel – Chalhoub pour faire rentrer les produits destinés au marché gris en Russie. Cette activité était tenue secrète, on ne pouvait donc pas la voir si on consultait les fichiers sur ordinateur. Très peu de gens étaient informés de ces facturations. J’avais également la conviction que Serge Guisset était couvert par la direction de la Division Luxe. Ma conviction à l’heure actuelle est toujours la même. Je pense même que la direction juridique du groupe les couvrait également au vu de la longévité du contrat accordé plus tard à Mme Kawiak, agent exclusif L’Oréal Luxe en Russie130 ».Note : « Quand je parle de la direction et des dirigeants de la division luxe, il s’agit à chaque fois de M. Guisset, de M. Weil et de M. Guyot-Jeannin, directeur adjoint de la division131 ».
106 Jean-Claude Bonnefoi, Procès-verbal, cf.
110 Serge Guisset, Procès-verbal, cf.
111 Olivier Loustalan, Procès-verbal, cf.
112 Serge Guisset, Procès-verbal, cf.
115 Olivier Carrobourg, Procès-verbal, cf.
116 Jean-Claude Bonnefoi, Procès-verbal, cf.
117 Olivier Carrobourg, Témoignage, cf.
118 Guillaume Sanchez, Procès-verbal, cf.
119 Directeur financier, PBI.
120 Etude du Scellé N° Olivier Carrobourg DEUX (Notes du dossier « Corbeille » de son ordinateur), cf. cote 2.
121 Olivier Carrobourg, Procès-verbal, cf.
122 Olivier Carrobourg, Id., cf.
123 Olivier Carrobourg, Témoignage, cf.
124 Olivier Loustalan, Procès-verbal, cf.
125 Serge Guisset, Procès-verbal, cf. Nos italiques.
126 Olivier Loustalan, Procès-verbal, cf.
127 Olivier Carrobourg, Témoignage, cf.
128 Olivier Loustalan, Procès-verbal, cf.