Serge Guisset
Ancien directeur général adjoint de la société Parfums & Beauté International (PBI).
Membre du conseil d’administration de Parmobel Dubaï.
PV no 0600053/48 D259–266 26 Septembre 2007
Points principaux
Monsieur Serge Guisset serment préalablement prêté de dire toute la vérité, rien que la vérité…
…a fait une déposition partialement fausse et mensongère
SUR SES ETUDES ET SON PARCOURS PROFESSIONNEL
… Je vous précise que l’entité PBI a été créée de mémoire au milieu des années 80.
En 1992, l’Asie est passée d’un système de distribution à un système de filiales, j’ai donc perdu la gestion de cette zone et suis resté concentré sur le Moyen-Orient et les pays de l’Est.
J’ai occupé ces fonctions jusqu’à mon départ en 2000 avec divers changements d’appellation sans incidence sur la nature du métier.
J’ai quitté L’Oréal dans les circonstances suivantes : J’ai donné ma démission en début d’année 2000 après avoir refusé pendant plusieurs mois d’occuper de nouvelles fonctions qui m’avaient été proposées et que je considérais comme une voie de garage. Cette proposition faisait entre autres suite à la visite de M. Owen-Jones à Dubaï pour se faire présenter les affaires L’Oréal dans cette zone.
SUR LES FAITS
Pouvez-vous nous indiquer quelle étaient vos fonctions précises au sein du groupe L’Oréal pour les années 1997 à 2000 ?
Animer les pays de la Zone Moyen-Orient, Afrique et Pays de l’Est sous l’aspect agent et filiales.
Pour les pays de l’Est cette activité était gérée depuis la France.
En pratique, mon rôle consistait à définir les budgets, construire le chiffre d’affaires, décider des lancements de marques, des marques à pousser, tout cela se faisait en concertation avec les personnes sur place, pour le Moyen-Orient il s’agissait de M. Jean-Claude Bonnefoi puis M. Jabbour son successeur en tant que directeurs généraux de Parmobel. Pour les Pays de l’Est il n’y avait pas de structure sur place sauf sur la fin Mme Anne Bruxer expatriée en Russie.
Quel était le rôle au sein du groupe L’Oréal, des sociétés suivantes sur la même période: PBI ?
Il s’agit de la branche internationale de la Division Produits sélectifs, marques de luxe du groupe (Parfums & Beauté). Le directeur général de PBI était M. Frolet décédé en 1997, les deux dirigeants de PB étaient MM. Weil directeur général et également vice-président du Groupe et en dessous de lui M. Guyot-Jeannin, directeur général adjoint.
L’activité de PBI est la distribution des marques luxe du groupe en ce concerne les duty free au niveau mondial, dans certains régions pour les agents et les filiales.
Parmobel ?
Il s’agit d’une entité juridique à mon avis contrôlée par la Division Luxe (Parfums & Beauté) chargée de distribuer les marques de la Division Luxe sur les pays du Moyen-Orient, et qui entrait donc dans la zone géographique de PBI.
Quel était le rôle de la société Temtrade ?
Il s’agit d’un agent distributeur pour la Russie des marques suivantes : Lancôme, Paloma Picasso, Guy Laroche, Ralph Lauren, Cacharel. D’autres marques lui avaient été refusées.
Le dirigeant de Temtrade est M. Janez Mercun.
En pratique, sur la période qui vous intéresse, le fonctionnement de Temtrade consistait à passer des commandes auprès de PBI et à distribuer les produits, en faire la publicité, faire du marketing.
La société Temtrade était un vieux partenaire du Groupe puisqu’il commercialisait déjà les produits L’Oréal avant l’ouverture des pays de l’Est selon des formes particulières (barter, clearing). M. Mercun avait été très efficace dans ce rôle antérieur mais n’a pas su s’adapter dans le cadre d’une distribution classique et n’était pas très efficace sur de nombreux points.
Cette société avait-t-elle l’exclusivité de la distribution de produits du groupe L’Oréal sur le marché russe ?
Il s’agissait du seul agent distributeur pour cette zone, il disposait d’un contrat d’exclusivité pour la Russie et l’Ukraine. Ce contrat était signé avec la société PBI.
Pour les autres pays qui étaient sous sa responsabilité avant la chute du communisme et sont devenus indépendants après (ainsi tous les pays en « stan », Ouzbékistan, Kazahstan, Tadjikistan..), il n y avait pas d’agent malgré une demande certaine.
La société Parmobel avait-elle vocation à opérer directement ou indirectement, sur ce même marché russe ?
Juridiquement non.
Un réseau parallèle des produits du groupe L’Oréal, notamment de parfums vers le marché russe, a pourtant été mis en place via la société Parmobel, est-ce exact ?
Ce n’est pas tout à fait exact, il n’y a pas eu de réseau institué par PBI à travers Parmobel. En revanche nous avons laissé faire un certain nombre de choses parce que cela générait du chiffre d’affaire, oui.
J’entends par là que des particuliers puis des grossistes sont venus massivement acheter des produits en boutiques ou directement chez des agents de Parmobel dans le but de revendre dans les pays en « stan » et probablement également en Russie.
Mais je vous précise qu’il ne s’agit pas d’un réseau que nous avons mis en place ou institutionnalisé. J’entends par là que nous n’avons pas mis en place ce système, ce sont des acheteurs russes ou de pays de l’Est qui sont venus spontanément acheter massivement des produits à Dubaï, et pour des raisons commerciales nous avons laissé cela se développer.
Je vous précise qu’à ce moment-là et depuis quelques temps déjà, les résultats de M. Mercun et de la société Temtrade étaient loin d’être satisfaisants alors que la demande y était énorme, nous avons donc vu dans ce fait une opportunité commerciale, de chiffres et de compensation de ce que M. Mercun ne faisait pas.
Lors de sa déposition en date du 13.12.2006 M. Olivier Loustalan déclarait : « J’ai compris qu’il y avait un trafic organisé de marchandises dans lequel étaient impliquées PBI et Parmobel. On faisait sans me le dire des affaires sur Russie ». Il déclarait ensuite : « A partir de là j’ai été voir M. Guisset et M. Carrobourg, directeur financier de la Zone Grands Marchés pour demander des explications. Ils ne m’ont pas répondu, ne m’ont fourni aucune explication valable ». Les propos de M. Loustalan sont-ils exacts ?
Oui, c’est vrai.
Historiquement M. Loustalan était un spécialiste de la commercialisation par pratiques de barter et clearing du temps du communisme et avait travaillé avec M. Mercun.
M. Loustalan était donc proche de M. Mercun, ils étaient pour tout dire amis. C’est pour cela que nous ne lui avons rien dit, nous avons estimé qu’il risquait de tout répéter à M. Mercun.
M. Loustalan déclarait par ailleurs : « A l’époque j’ai acquis la conviction que Serge Guisset et plus largement PBI faisaient des affaires en Russie importantes en se servant du relais Parmobel-Chalhoub pour rentrer les produits destinés au marché gris en Russie ». Quels commentaires ces propos vous inspirent-ils ?
Cela n’a jamais été pensé comme ça, je ne nie pas que cela s’est passé en pratique, mais encore fois cela n’a pas été pensé par PBI.
Lors de sa déposition en date du 01/12/2006 M. Guillaume Sanchez déclarait : « En rentrant à Paris j’ai établi un rapport sur ces faits que j’ai transmis à M. Weil, M. Guyot-Jeannin, Serge Guisset, no 2 de PBI ». Avez-vous effectivement été rendu destinataire de ce rapport, dans l’affirmative quelle en était la teneur ?
Oui je me souviens d’un rapport de M. Sanchez sur le marché gris, puisque M. Sanchez travaillait à la protection des marchés. Je ne me souviens plus de la teneur exacte de ce rapport. C’était relatif aux circuits s’ouvrant sur les pays en « stan » et en Russie.
Quelle fut votre réaction à la lecture de ce rapport ?
Je ne tombais pas des nues tout en étant hypocrite pour le Groupe et content que cela se fasse dans ma zone pour mes budgets.
Tout en ayant bien sûr conscience que cela n’entre pas dans les pratiques normales, donc content et gêné à la fois.
* *
Lors de sa déposition en date du 25/01/2007 M. Carrobourg faisait les déclarations suivantes que nous vous demandons de bien vouloir commenter :
« La mise en place de se système a commencé en 1996 à la demande de la direction générale, Gilles Weil, M. Cabane, M. Guyot-Jeannin, M. Frolet. Nous étions dans le dernier trimestre 1996, le division des produits de luxe dirigée par M. Weil avait du mal à réaliser le chiffre d’affaires de l’année, M. Frolet avait réuni l’ensemble des cadres travaillant chez PBI et le mot d’ordre était simple ; « faire feu de tout bois ».
« M. Guisset, Directeur de la Zone Centre-Orient, a expliqué qu’il y aurait des possibilités de faire du chiffre sur la Russie, mais « dans le dos » de la société Temtrade. Il était délicat de demander à un agent de faire un travail d’image pour L’Oréal en Russie et en parallèle de vendre un peu sous le manteau à savoir dans les endroits moins luxueux ».
Cela correspond à des propos fréquemment tenus en réunion lorsque les chiffres n’étaient pas bons. Je me souviens effectivement qu’il y a eu une vive inquiétude de la Direction assortie d’un impératif d’amélioration vis à vis de la Russie à un moment, je ne sais plus si c’était en 1996.
En revanche on ne nous a jamais demandé de manière claire de développer le marché gris, la Direction Générale, que ce soit M. Weil, M. Guyot-Jeannin, M. Cabane nous ont encouragés à laisser faire. En fait on nous demande de qu’il faut pour réaliser nos chiffres par tout moyen en palliant à l’inefficacité de Mercun.
Il n’y a pas eu en revanche d’instruction claire de développer le marché gris.
Pour quelles raisons la société Parmobel, avait-elle recours à différentes sociétés, à savoir Fitra, Socodile et Massoud ?
Il s’agit des gens ayant les circuits, les contacts avec les clients grossistes des pays en « stan » ou de Russie
Par quels circuits ces sociétés écoulaient-elles les produits sur le marché russe ?
Pour ceux que je connais, il y avait Butia pour le Kazakhstan, M. Nekrasov, dirigeant la société Arbat pour la Russie et les pays « stan ».
M. Nekrasov achetait à Massoud et à Fitra.
M. Nekrasov est un incontournable de la parfumerie dans les pays de l’Est, il a plus de 50 magasins. Mais Mercun ne voulait pas travailler avec lui, s’agissant d’un concurrent.
Pour nous, il était très important d’être chez Nekrasov.
* *
Il ressort des éléments recueillis jusqu’ici que Sir Owen-Jones a effectué en 1999 un déplacement à Dubaï au cours duquel activité du marché russe (« ex-républiques musulmanes soviétiques ») lui a été présentée. M. Owen-Jones a alors demandé qui était responsable de cela et vous avez déclaré « C’est moi », est ce exact ?
Oui.
Mes deux supérieurs hiérarchiques directs, MM. Weil et Guyot-Jeannin étant restés muets, j’ai décidé de prendre la parole. Je vous précise cependant que je n’ai rien fait tout seul et que tout cela était dans les comptes.
Quelles furent les suites données par la direction du Groupe à cet épisode ?
En ce qui me concerne, on m’a proposé une voie de garage qui a conduit à ma démission.
M. Carrobourg a également subi les conséquences de cela, conduisant à son départ. Pour le reste ces pratiques ont cessé et un nouvel agent a été trouvé pour la Russie.
Etait-il possible à l’époque d’augmenter les volumes de ventes à Temtrade ?
Non, pour deux raisons :
Premièrement, nous avions essayé de le faire par le passé en professionnalisant son affaire par une politique de prix, des structures adaptées au métier de la distribution, des investissements publicitaires et en construisant sa distribution au delà de ses 4 ou 5 boutiques et en améliorant sa gamme, sa démarche marketing ne correspondant pas à la stratégie des marques.
Mais M. Mercun n’a ni réussi ni vraiment voulu fait tout cela.
Deuxièmement, vu l’atmosphère entre lui et nous sur la fin nous n’en avions plus envie et son contrat allait être dénoncé.
Je tiens à ajouter que d’un point de vue strictement légal, nous ne nous sommes jamais mis en faute vis à vis de M. Mercun, même si nous avions conscience que des produits pouvaient atterrir dans sa zone.
* *
N.B. Serge Guisset n’a reçu aucune compensation de L’Oréal pour son témoignage inexact.
Un scellé joint au procès-verbal de sa déposition contient une « lamentation » manuscrite, rédigée quand il a quitté la société. Extrait :
« Donc où suis-je ? J’ai 50 ans. Quelle est mon image dans cette maison où après « 20 ans on persiste à me refuser la reconnaissance que mes états de service « mériteraient. Vous ne me voulez pas au gouvernement. Je suis un chef de guerre (mercenaire). J’ai joué le jeu; je n’ai rien dit, j’ai été un bon soldat ou mercenaire bien payé ou au gouvernement. Comme les pharaons, vous avez tué l’architecte pour faire oublier son rôle. »
* *







