Gérard Guyot-Jeannin

Ancien directeur général international de la Division Luxe de L’Oréal de 1991 à 2000.

Membre du conseil d’administration de Parmobel à Dubaï.

Procès-Verbal no 06/00053/90 D00376 – 383 du 18 mars 2008

Points principaux

Monsieur Guyot-Jeannin serment préalablement prêté de dire toute la vérité, rien que la vérité…

…a fait une déposition partialement fausse et mensongère.

Pouvez-vous indiquer quelles étaient vos fonctions précises au sein du groupe L’Oréal pour les années 1997–2000 ?

J’étais directeur international de la Division Luxe, président de Rubinstein. Avec M. Weil nous ne nous étions pas répartis les rôles. Je m’occupais davantage de gestion, de commerce, de ressources humaines et lui un peu plus de marketing. Nous avions un système de fonctionnement complémentaire et complice. Je voyageais beaucoup à l’étranger pour voir les chiffres, les structures, quelles nouvelles marques devaient être lancées.

PBI dépendait de la Division Luxe, était dirigée par M. Frolet décédé en 1997. J’ai assuré l’intérim de PBI après le décès de M. Frolet. J’étais le supérieur direct de M. Guisset après le décès de M. Frolet.

SUR LA MISE EN PLACE DES RESEAUX PARALLELES DE VENTE DES PRODUITS L’OREAL

Il ressort de notre enquête qu’en marge du réseau de distribution officielle des produits en Russie par l’agent Temtrade, un circuit d’approvisionnement parallèle a fonctionné par le biais de la société Parmobel, située à Dubaï. Dans quelles circonstances et à quelle date avez-vous été informé de l’existence de ce circuit parallèle ?

J’ignorais qu’il s’agissait d’un circuit organisé… Je n’étais pas informé de l’organisation d’un circuit spécifique via la filiale Parmobel.

Les circuits d’approvisionnement parallèles sont-ils une pratique fréquente – au sein du groupe L’Oréal?

Non, le problème qui se pose est celui de la diversion.

Lors de sa déposition en date du 25/10/2007, M Carrobourg faisait les déclarations suivantes que nous vous demandons de bien vouloir commenter: « La mise en place de ce système a commencé en 1996 à la demande de la direction générale, Gilles Weil, M. Cabane, M. Guyot-Jeannin, M. Frolet. Nous étions dans le dernier trimestre 1996, la division des produits de luxe dirigée par M. Weil avait du mal à réaliser le chiffre d’affaires de l’année, M. Frolet avait réuni l’ensemble des cadres travaillant chez PBI et le mot d’ordre était simple; « faire feu de tout bois ».

Je n’ai pas souvenir de cette réunion.

Le 26/09/2007, M. Guisset nous déclarait: « On ne nous jamais demandé de manière claire de développer le marché gris, en revanche la Direction Générale, que ce soit M. Weil, M. Guyot-Jeannin, M. Cabane nous ont encouragés à laisser faire. En fait on nous demande de faire ce qu’il faut pour réaliser nos chiffres par tout moyen enpalliant à l’inefficacité de Mercun ». Ces déclarations sont-elles conformes à la réalité, quant à l’instruction de la Direction Générale ?

Il y a eu des instructions disant qu’il fallait faire du chiffre d’affaires mais ça c’est toute l’année. A ma connaissance il n’y a pas eu d’instructions précises disant qu’il fallait faire du chiffre avec la Russie.

Quant à l’inefficacité de M. Mercun et de la société Temtrade ?

Il est vrai que M. Mercun était inefficace. Nous avions donné des instructions à M. Guisset pour changer d’agent ce qui s’est fait vers 1999.

Il n’y a pas eu d’instructions visant à contourner la société Temtrade pour l’approvisionnement des pays de l’Est.

Nous vous présentons, placé sous scellé Garcia/1 cotes 8 à 11, un document qui vous est adressé ainsi qu’à MM. Guisset, Sanchez, Weil et Frolet le 16/04/1996 par M. Jean-Claude Bonnefoi, Managing Director de la société Parmobel relatif au marché parallèle russe. A la lecture de ce document il apparaît clairement que les circuits d’approvisionnement parallèles de la Russie via la filiale de L’Oréal Parmobel étaient connus de tous, est-ce exact ?

Non. Je savais qu’il y avait des circuits parasitaires mais c’est tout, ce n’était pas organisé.

Les propos de M. Bonnefoi par rapport à l’existence d’un circuit parallèle organisé par Parmobel via ses agents locaux sont pourtant sans équivoque dans cette note dont vous étiez destinataire ?

Oui à la lecture de ce document. Mais de mémoire je n’en avais pas souvenir.

M. Bonnefoi écrivait par ailleurs: « Pour les circuits directs, Massoud présenté par notre associé, ne devrait pas poser de problèmes, quant à Beyrouth, Socodile est pour l’instant limité aux marques mentionnées et aux extraits et déodorants et, de plus, nos prix de cession devraient être dissuasifs. » Pouvez-vous nous apporter de plus amples informations sur ces « circuits directs » ?

Non, je ne sais pas de quoi il s’agit.

* *

Existait-il un circuit d’approvisionnement hors Parmobel, c’est-à-dire des ventes opérées directement par PBI à des intermédiaires chargés d’écouler les produits sur le marché russe ?

Pas à ma connaissance.

SUR LE PRIX DE VENTE DES PARFUMS

Pouvez-vous nous indiquer quels étaient les ordres de prix d’achat, et donc de marges, consenties par le groupe L’Oréal à ses intermédiaires selon qu’il s’agissait de filiales, d’agents, de distributeurs ?

Il y avait un prix de vente déterminé pour les filiales L’Oréal à 100%. Je n’ai plus en tête d’ordre de grandeur pour les prix. Pour les agents il y avait des tarifs déterminés compte tenu des contrats consentis à chacun.

Nos filiales achetaient moins cher les produits que les agents au départ de Paris. Normalement, PBI ne vendait pas directement à des distributeurs, mais uniquement via ses agents ou ses filiales. Pour moi le distributeur est celui qui vend à un consommateur sinon il s’agit d’un grossiste, qui n’existe pas dans la distribution sélective normalement.

Quelles étaient à votre connaissance les conditions tarifaires accordées à M. Janez Mercun et la société Temtrade dans le cadre de son contrat de distribution ?

Je ne l’ai jamais su.

Etaient-elles conformes à la politique de L’Oréal par rapport à un agent?

Je ne sais pas.

Quelles étaient les conditions tarifaires accordées à Parmobel ?

Je ne sais pas.

Il ressort de nos investigation qu’en 2004, les tarifs des produits L’Oréal (prix départ Paris) s’établissaient, en partant d’une base 100 tarif catalogue OAPLI, de la manière suivante (source: scellé MERY UN cotes 20 et 21) :

Distributeur: 70 à 88

Agent: 42 à 50

Filiale: 20 à 30.

Cette structure des prix est-elle comparable avec celle qui était en vigueur entre 1997 et 2000, notamment pour l’agent Temtrade et la filiale Parmobel ?

Je n’ai jamais vu un tableau de ce genre. Je n’ai jamais vu de tableau récapitulant les conditions tarifaires consenties aux agents. Je regardais le chiffre d’affaires, les bénéfices. Je savais qu’il y avait des différences de prix entre les agents mais sans en connaître le détail.

Peut-on considérer que les produits destinés à l’approvisionnement du marché russe pour le circuit parallèle mis en place via Parmobel étaient vendus à des conditions anormalement basses ?

Je n’ai jamais vu les conditions tarifaires.

N’aurait-il pas été plus rentable pour le groupe L’Oréal d’augmenter les volumes vendus par le biais de la société Temtrade que d’organiser un circuit parallèle ?

Nous avons toujours demandé à Temtrade de développer ses affaires. Mais Mercun savait travailler du temps des barter et il n’avait pas su s’adapter à la distribution classique.

Quant au travail que Mercun aurait pu fournir, nous lui avons demandé à plusieurs reprises de développer son activité ce qu’il n’a jamais fait, il était incapable de vendre plus. Je dirais même que si un marché parallèle s’est développé, c’est qu’il y avait une forte demande russe à laquelle M. Mercun n’a pas pu répondre.

Pouvez-vous nous relater le déroulement de la réunion qui a eu lieu à Dubaï en présence de M. Owen-Jones au début de l’année 1999 au cours de laquelle le circuit parallèle vers la Russie a été évoqué ?

Je n’ai pas souvenir que la Russie ait été évoquée particulièrement au cours de cette réunion.

* *

Lors de sa déposition, M. Serge Guisset expliquait le développement d’un marché parallèle russe parce que la société Temtrade était moins efficace dans le cadre d’une distribution classique que dans le cadre d’opération de barter, il nous déclarait ainsi « les résultats de M. Mercun et de la société Temtrade étaient loin d’être satisfaisants alors que la demande y était énorme, nous avons donc vu dans ce fait une opportunité commerciale, de chiffres et de compensation de ce que M. Mercun ne faisait pas ». Êtes-vous d’accord avec cette analyse de la situation ?

Oui.

Ne peut-on penser à inverse que les résultats de la société Temtrade étaient moindres en raison de l’existence d’un circuit d’approvisionnement parallèle qui lui aurait nui ?

Je dirais que « l’appel d’air a existé du fait de l’inactivité de M Mercun face à la taille du marché russe ».

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SUR L’INTEGRATION COMPTABLE

De quelle manière les résultats générés par les ventes opérées à travers de circuit parallèle étaient-ils intégrés comptablement ? D’un point de vue local au niveau de Parmobel ?

Je ne sais pas.

Au niveau de PBI ?

Je ne sais pas.

De manière consolidée au niveau du groupe ?

Je ne sais pas.

Au niveau de ce qui nous était présenté dans la division j’avais un tableau mensuel qui indiquait le chiffre d’affaire de chaque filiale. Une fois par an nous avions les comptes d’exploitation. Dans le rapport annuel rien n’est détaillé, les chiffres étaient donnés par zone mais toutes divisions confondues, les marques n’étaient pas distinguées. Même pour moi ce rapport était illisible.

Est-ce à dire qu’il n’était pas lisible pour les actionnaires de L’Oréal SA qu’un chiffre d’affaires de la division produits de luxe de L’Oréal s’effectuait au travers d’un circuit parallèle ?

Je souris. Vu l’importance du parallèle mondial de L’Oréal et de la profession en général, cela n’apporterait pas grand-chose à la bonne information des actionnaires.

Cela était déjà invisible à mon niveau, donc pour les actionnaires c’est complètement noyé.

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