Arbat Prestige, Moscou, filière préférée de L’Oréal sur le marché noir russe

Arbat Prestige était contrôlée par la bande mafieuse la plus redoutable de Russie, comprenant des « célébrités mondiales » du crime organisé comme Shabtaï von Kalmanovich, Semyon Mogilevich, Vladimir Nekrasov, Vyacheslav Ivankov (alias Yaponchik), Sergueï Mikhaïlov (alias Mikhas).

Manifestement proches des milieux du KGB, qui les a généreusement traités, les principaux parrains gravitant autour d’Arbat Prestige sont tombés en disgrâce en 2008-2009 :

Deux ont été assassinés, quatre condamnés à des peines de prison

Shabtaï von Kalmanovich a été assassiné le 2 novembre 2009 à Moscou.

  • Semyon Mogilevich et Vladimir Nekrasov ont été arrêtés en janvier 2008 pour fraude fiscale massive à Arbat Prestige portant sur 115 millions de roubles, soit environ 2.5 millions d’euros, au titre des années 2005 et 2006. Après avoir passé près d’un an et demi en prison, ils ont été libérés en juillet 2009, blanchis en 2011 et vivent aujourd’hui à Moscou. Même en Russie, passe-t-on 18 mois en prison pour une affaire de 2.5 millions d’euros ?
  • Vyacheslav Kirillovich Ivankov est mort le 9 octobre 2009 des blessures subies lors d’une tentative d’assassinat le 28 juillet 2009.
  • Viktor Boutle marchand de la mort, dont les avions transportaient les produits de PBI de Dubaï en Russie, purge actuellement une peine d’emprisonnement de 25 ans aux Etats-Unis pour terrorisme (il avait vendu des armes aux FARC).
  • Sergueï Mikhaïlov, alias Mikhas, proche de Vyacheslav Ivankov, a été arrêté en Suisse en 1996. Il a été libéré deux ans plus tard, Moscou ayant refusé de soumettre à la justice suisse les pièces qui auraient permis de le condamner. Il vit actuellement près de Moscou.

Nébuleuse mafieuse gravitant autour d’Arbat Prestige

Organigramme

 

Partenaires préférés de L’Oréal

Filière Arbat Prestige

  • Shabtaï von Kalmanovich
  • Semyon Yudkovich Mogilevich
  • Vladimir Nekrasov

Semyon Mogilevich (au premier plan) devant Vladimir Nekrasov lors de la cérémonie funèbre de Shabtaï von Kalmanovich organisée le 4 novembre 2009 au Centre sportif Vidnoïe près de Moscou, avant ses obsèques en Israël. Kalmanovich avait été assassiné à Moscou le 2 novembre 200951.

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Shabtaï von Kalmanovich,
propriétaire d’Arbat Prestige

Eléments biographiques52

« Né en 1947 à Kaunas (Lituanie) dans une famille pauvre d’origine juive, ingénieur chimiste, il ne tarde pas à rejoindre l’Armée soviétique. Lorsque ses supérieurs apprennent que sa famille allait émigrer en Israël, la section des affaires juives du KGB le convoque pour l’engager comme espion, ce qui accéléra les formalités d’émigration pour lui et sa famille. »

« Les Kalmanovich arrivent en Israël en 1971. Shabtaï s’inscrit au parti socialiste, travaille à la fois au Service de presse du gouvernement israélien et comme assistant parlementaire à la Knesset. Il a ainsi accès à des informations sur le Nativ, bureau de liaison israélien en contact avec les juifs soviétiques et d’autres pays du bloc communiste. Son supérieur au KGB lui demande de l’infilter et de recueillir des informations sur son activité, ce qu’il fait pendant 17 ans. »

« Kalmanovich devient un homme d’affaires prospère grâce aux fonds que le KGB met à sa disposition en Israël. Sa réussite lui permet de rencontrer d’importantes personnalités, notamment Mme Golda Meir, Premier Ministre ainsi que le brigadier général Dov Tamari, premier officier en chef des services de renseignements, que Kalmanovich invita à faire un grand voyage en Afrique tous frais payés. »

« Il cultive aussi ses relations avec les parlementaires de la Knesset et se fait connaître dans la vie mondaine par les réceptions fastueuses qu’il donne dans sa villa, située dans un quartier chic de Tel Aviv. »

« Ses affaires commencent à péricliter dans les années 1980. Il est arrêté en Grande Bretagne en 1987, apparemment pour une affaire de faux chèques aux Etats-Unis. Il y est extradé mais, remis en liberté provisoire, il retourne en Israël où, accusé d’espionnage pour le KGB, il est condamné à sept ans de prison. Il est libéré après 5 ans de détention au motif qu’il pourrait jouer un rôle dans le rétablissement des relations diplomatiques entre la Russie et Israël. »

« Kalmanovich est assassiné le 2 novembre 2009 à Moscou par des tireurs à bord d’une Lada qui s’était approchée de sa Mercedes 500. La police moscovite a confirmé qu’il s’agissait d’un assassinat commis par des professionnels. L’assassin avait attendu que son véhicule s’arrête à un feu rouge pour tirer 10 coups. Vladimir Markin, policier qui participa à l’enquête, pense que son assassinat avait été commandité. »

Selon d’autres sources, les journaux russes ont esquissé le scénario suivant : Shabtaï von Kalmanovich, estimant qu’il avait la carrure nécessaire, aurait cherché à éliminer Vyacheslav Kirillovich Ivankov, qui meurt le 9 octobre 2009 des blessures subies lors d’une tentative d’assassinat le 28 juillet. Kalmanovich est assassiné trois semaines plus tard. Les deux assassinats s’expliqueraient donc par une rivalité entre gangs mafieux.

Commentant l’assassinat de Kalmanovich, Gennady Gudkov, membre de la Commission de sécurité de la Douma russe, a déclaré que tout était possible avec un homme dont le parcours a été si complexe.

Kalmanovich vu par Le Magazine de L’Équipe53

Ce magazine en a raconté la vie romanesque dans son numéro du 17 janvier 2004:

« Dans le livre de M. Robert I. Friedman, La Mafia Rouge, Comment la pieuvre russe a envahi l’Amérique54, publié aux Etats-Unis en 2000, on retrouve celui qui ne s’appelle encore que Kalmanovitch en Afrique, menant d’étranges affaires. Le voilà en Sierra Leone où il trafique avec un mafieux russe de l’importation d’essence et de whisky. Il est chargé, aussi, de la sécurité personnelle du président Joseph Momoh, qu’il aurait sauvé d’une tentative d’assassinat. Momoh lui aurait alors alloué les principales concessions de pêche et de mines du pays. On le retrouve plus tard lié à Lucas Mangope, le président du Bostwana, où il a fait venir des spécialistes israéliens de la sécurité pour entraîner la police et où, via sa société Liat, il a bâti un immense stade de football. Mais quand les rebelles enferment le président dans son stade, il est temps pour Chabtaï de se réfugier en Sierra Leone. Là, il aurait, selon Friedman, été menacé de mort par des mafieux russes et italiens qui auraient perdu trois millions de dollars à cause de lui. Pour payer ses dettes, Kalmanovitch détourne alors 27 millions de dollars de la Banque Merrill Lynch avec de faux chèques. En mai de la même année, au sortir d’un déjeuner avec le chef des services secrets israéliens du sud Liban, il est arrêté par Scotland Yard au Sheraton de Londres. Extradé aux Etats-Unis, il parvient à sauver sa tête grâce notamment à un politicien républicain qui vante sa large réputation d’intégrité et son talent pour le business. Libéré, il s’envole pour Israël où il est aussitôt emprisonné, accusé d’être un agent double au service du KGB et condamné à 9 ans de prison…. En mars 1993, il est libéré aux deux tiers de sa peine dans le cadre d’échanges d’espions négociés entre Israël et Mikhaïl Gorbatchev. »

Fournisseur de passeports israéliens pour son gang mafieux

Selon le rapport annuel 1995 du Service canadien de renseignements criminels, « plusieurs hommes de main de Semyon Mogilevich et Mogilevich lui-même ont la nationalité israélienne et des passeports israéliens. Shabtaï Kalmanovich (sic) est la source de ces passeports israéliens. Kalmanovich a fourni très rapidement des passeports israéliens aux membres de Solntsevskaïa55 et aux organisations contrôlées par Mogilevich. Au vu de la facilité avec laquelle Kalmanovich obtient apparemment ces documents officiels pour les membres des organisations Solntsevskaïa et Mogilevich, Kalmanovich pourrait avoir ses entrées au gouvernement israélien ». Cette information, reprise par la CIA en 2001, a d’ailleurs été communiquée à tous les services de renseignements occidentaux dans une note signée de Kack Downing, directeur-adjoint de l’organisation américaine.

Kalmanovich, propriétaire réel d’Arbat Prestige

A deux reprises, Vladimir Nekrasov a formellement présenté Shabtaï von Kalmanovich comme étant le patron réel et le propriétaire d’Arbat Prestige aux représentants de Temtrade :

  • le 11 décembre 2001 à l’Hôtel National à Moscou. Cette réunion avait eu lieu à la demande d’Arbat Prestige qui souhaitait que Temtrade lui livre les produits de Nina Ricci, ce que Janez Mercun a refusé (Arbat Prestige voulait obtenir ces produits de beauté parce qu’ils étaient accompagnés d’un certificat sanitaire officiel). Témoins et participants : pour Arbat Prestige, Shabtaï von Kalmanovich et son épouse Anastasia, Vladimir Nekrasov, François Gonnet, ainsi que 6 gardes du corps. Pour Temtrade, Thierry Colsenet, Otto Jochems, Janez Mercun.
  • le 14 février 2002 dans les bureaux de M. von Kalmanovich à Moscou. Cette réunion s’est tenue à la demande de Vladimir Nekrasov et Shabtaï von Kalmanovich qui souhaitaient racheter les parfumeries franchisées à l’enseigne de L’Escale de Temtrade. Refus de Janez Mercun. Témoins et participants : pour Arbat Prestige, Shabtaï von Kalmanovich, Vladimir Nekrasov. Pour Temtrade, Janez Mercun.

Sources:

Semyon Yudkovich Mogilevich

Semyon Mogilevich, « l’un des mafieux russes les plus puissants du dernier quart du XXsiècle », est considéré, « comme le pense la plupart des polices d’Europe et d’Amérique, comme le vrai capo di tutti capi du crime organisé russe, [il] a toujours deux coups d’avance sur les autres joueurs. Du billard56 ».

Il s’est aussi fait connaître, selon les circonstances, sous des identités aussi variées que Sergueï Schneider, Saiman, Suvorov, Telesh et Palagnyuk.

Le FBI des Etats-Unis le place sur sa liste des dix personnes les plus recherchées57 le 23  octobre 2009. Il en est retiré à fin 2016.

L’Hebdo, hebdomadaire publié à Lausanne, écrivait le 12 novembre 1998 : « Semion Mogilevich, dit Seva, basé à Budapest, est selon les rapports du FBI et de la police israélienne datés d’août 1996 à la tête d’une organisation criminelle implantée en Europe, en Amérique du Nord, au Moyen-Orient, dans les Caraïbes et en Amérique du Sud ». Ses activités: «Trafic d’armes et de matières radioactives, prostitution, drogue, meurtres commandités et blanchissage d’argent.» Toujours selon le FBI, Seva aurait créé plus d’une centaine de compagnies écrans et ouvert plusieurs comptes en banque au profit de la Solntsevskaïa. Enfin, une société le lierait à Mikhaïlov: Arigon Ltd. Les enquêteurs américains décrivent Arigon Ltd comme le cœur de l’organisation de Seva. Et Arigon Ltd aurait été créée en 1990 avec la firme Arbat International contrôlée notamment par Mikhaïlov ».

Eléments biographiques

Mogilevich entre très tôt dans le crime organisé de grande envergure.

  • Il commence par faire beaucoup d’argent en gardant pour lui le produit de la vente des biens – immobilier, bijoux, œuvres d’art... – dont devaient se séparer les milliers de Juifs soviétiques avant d’émigrer en Israël.
  • Dans les années 1970/1980, il fonde une société d’import-export pétrolière, Arbat International, domiciliée à Alderney, dans le paradis fiscal Guernsey. L’un de ses associés, avec 25% du capital, n’est autre que Vyacheslav Ivankov, dit Yaponchik, gangster notoire, patron de la mafia russe aux Etats-Unis pendant un certain temps.

Informations complémentaires extraites de Wikipedia58 :

  • En 1991, Mogilevich épouse sa compagne hongroise Katalin Papp qui lui donne trois fils, s’installe en Hongrie, prend la nationalité hongroise. Il avait alors les nationalités russe, ukrainienne, israélienne et hongroise. Domicilié à Budapest dans une villa fortifiée, il investit dans de nombreuses sociétés, dont le fabricant d’armes « Army Co-op ».
  • En 1994, il prend le contrôle d’Inkombank, l’une des plus grandes banques privées de Russie, après avoir conclu un accord secret avec le président de la banque, Vladimir Vinogradov. Mogilevich dispose ainsi d’un accès direct aux marchés financiers internationaux.
  • En mai 1995, la police tchèque part à l’assaut du restaurant U Holubů (propriétaire : Mogilevich) où un mafieux du groupe Solntsevo fêtait son anniversaire. Mogilevich et sergueï Mikhaïlov, parrain du clan Solntsevo, étaient censés y participer. La police avait été informée que le clan Solntsevo allait tenter d’éliminer Mogilevich lors de cette fête en raison d’un conflit portant sur une somme de 5 millions de dollars. Deux cents participants (dont des dizaines de prostituées) sont arrêtés et emprisonnés, trente expulsés du pays. Mais Mogilevich, certainement prévenu par un chef de la police tchèque de mèche avec la mafia russe, n’était pas là59
  • En 2006, dans une interview, le tsar de la lutte contre la corruption de l’administration Clinton, Jon Winer, déclare que « Semyon Mogilevich est le plus dangereux de tous les criminels dont je me sois occupé et je sais qu’il est responsable d’avoir commandité plusieurs assassinats ».
  • Oleksender Turchynov, président de l’Ukraine ad interim en février 2014, a été entendu par la Justice ukrainienne en 2010 pour avoir détruit des documents concernant Semyon Mogilevich.
  • Le journaliste Micha Glenny écrit que Mogilevich a toujours réussi à échapper à toutes les poursuites lancées contre lui partout dans le monde : « Il a le talent de ne jamais être au mauvais endroit au mauvais moment… L’ancien tsar de la lutte contre la corruption de l’administration Jon Winer est convaincu qu’il a commandité des assassinats ».

Le propriétaire d’Arbat Prestige ?

Semyon Mogilevich a toujours nié être le propriétaire d’Arbat Prestige. Pourtant, il semblerait avoir pris la main de Shabtaï von Kalmanovich après 2005, dans des circonstances peu claires.

Il est arrêté le 23 janvier 2008 à Moscou avec Vladimir Nekrasov, directeur de d’Arbat Prestige, pour évasion fiscale massive à Arbat Prestige.

  • Selon la presse moscovite, Galina Telesh, l’un de ses ex-épouses, a détenu pendant quelques mois 34% du capital d’une société hongroise, OOO Rinvey, qui contrôlait 40% d’Arbat Prestige.
  • Sa dernière ex-épouse, Olga Schneider - dont il portait le nom au moment de son arrestation (« M. Shneider ») - travaillait comme juriste à Arbat Prestige. Elle a été arrêtée quelques jours après son ex-mari.

Il sort de prison en juillet 2009 mais reste privé de passeport. Depuis, il a été blanchi des charges levées contre lui.

  • « Pas plus Mikhaïlov que Mogilevich ne se déplacent désormais en Occident (bien que le second possède toujours son passeport israélien). Mais ils gambadent librement autour de Moscou, ne paraissent pas malheureux et en tout cas pas embêtés par l’Etat russe60».

Sources:

  • Peter Byrne, New and Conflicting Details Emerge over Mogilevich’s Alleged Involvement in Nation, kyivpost.com, 10 December 2010. Retrouvé le 8 avril 8, 2014, cf. également http://en.wikipedia.org/wiki/Semion_Mogilevich.
  • Agathe Duparc, Cathy Macherel, L’Oréal, les filières obscures du succès, L’Hebdo, Lausanne, 12 septembre 2002.
  • Information sur Vladimir Nekrasov et Semyon Mogilevich obtenus par Temtrade auprès de la Chambre fédérale de commerce de Russie à Moscou (original russe, traduction certifiée en français).
  • Ekstra Bladet (Danemark), 27 janvier 2008, citant le FBI et la Village Voice: « La liste des crimes dont Mogilevich aurait à répondre est kilométrique: torture, meurtre, trafic d’armes et de stupéfiants, trafic de matériaux radioactifs, etc. ».
  • Alain Rodier, Arrestation d’un parrain du crime organisé, Centre Français de recherche sur le Renseignement, 4 février 2008, www.cf2r.org.
  • Roberto Saviano, Extra pure – Voyage dans l’économie de la cocaïne, Gallimard, Paris, 2014, p. 315-349.
  • Karen Dawisha, Putin’s Kleptocracy–Who owns Russia ? New York, septembre 2014, p.  328.
  • The Guardian, 26 janvier 2008.
  • Kommersant, 26 janvier 2008.
  • The Moscow Times, 31 janvier, 1er février 2008.
  • http://www.itar-tass.com, 14 August 2009, 12:00 p.m.
  • Associated Press, 27 juillet 2009, 03:53 ET.
  • RIA-Novosti, 23 October 2009, 13:03.
  • http://www.trcw.ru/en/articles/detail.php?print=yes&ID=1235.

Vladimir Nekrasov

Surnommé le milliardaire russe des cosmétiques, Vladimir Nekrasov, directeur général d’Arbat Prestige, a été le principal opérateur du marché noir russe pour le compte de L’Oréal de 1997 à 1999 avant d’en devenir l’agent officiel exclusif pour la Russie de 2000 à 2004. Il en était propriétaire lorsqu’Arbat Prestige fit faillite en 2009.

Nekrasov a, d’après ce que m’a dit P. Chalhoub, un profil douteux sur lequel je juge préférable de ne pas m’appesantir61. »

Serge Guisset l’a rencontré, par l’intermédiaire de Claudine Kawiak et de Patrick Chalhoub, dans les locaux de Fitra à Dubaï en 199662, Olivier Carrobourg,  à Dubaï également, en 1998 : Nous nous sommes dit uniquement bonjour et au revoir63.

Vladimir Nekrasov a été arrêté en janvier 2008 à Moscou, en même temps que Semyon Mogilevich, pour fraude fiscale massive  à Arbat Prestige – 115 millions de roubles, soit environ 2.5 millions d’euros, au titre des années 2005 et 2006. Après avoir passé près d’un an et demi en prison, tous deux ont été libérés en juillet 2009, blanchis en 2011 et vivent aujourd’hui à Moscou.

« Pour nous, il était très important d’être chez Nekrasov ».

Le Groupe Arbat Prestige est fréquemment mentionné dans les dépositions sous serment des dirigeants de L’Oréal :

Guillaume Sanchez

M. Patrick Chalhoub (…) m’a parlé pour la première fois de Vladimir Nekrasov qui était le détaillant qui montait en Russie sous l’enseigne Arbat. Il achetait des magasins bien placés à Moscou. M. Chalhoub m’a confirmé le démarrage d’un chiffre d’affaires important pour Parmobel notamment avec la filière de M. Nekrasov et son groupe Arbat Prestige64 ».

Serge Guisset

M. Nekrasov dirigeant la société Arbat pour la Russie et les pays en « stan » achetait à Massoud et Fitra… M. Nekrasov est un incontournable de la parfumerie dans les pays de l’Est, il a plus de 50 magasins… Pour nous, il était très important d’être chez Nekrasov65 ».

Gilles Weil

M. Guisset … a dû négocier l’ouverture d’un ou deux points de vente avec notre nouvel agent. Les relations avec Nekrasov ont débuté avec le nouvel agent. Nous n’en avons jamais eu avec lui du temps de Mercun66 ».

Lindsay Owen-Jones

Je ne connais pas M. Nekrasov. Je connais l’existence du Groupe Arbat dont on m’a parlé lors de visites dans notre filiale en Russie. C’est un des grands leaders des chaînes de distribution en Russie67 ».

Olivier Loustalan

Leurs témoignages (grossistes russes) se recoupaient avec ce que me disaient mes confères de Dior, Givenchy… à savoir qu’Arbat Prestige était un intervenant clef dans le marché gris des parfums68 ».

Cette position incontournable d’intervenant clef de Vladimir Nekrasov est donc l’argument utilisé par les dirigeants de L’Oréal pour justifier de travailler avec lui.

« Vladimir Nekrasov et ses 50 magasins »: la réalité est beaucoup plus nuancée

Vladimir Nekrasov n’avait pas cinquante magasins comme l’affirme Serge Guisset, mais un seul en 1998 et 2 au 31 décembre 1999, selon les recherches de Temtrade. Les 50 magasins dont fait état Serge Guisset ont été ouverts par Arbat Prestige entre 2003 et 2006.

Et Temtrade n’en n’avait pas que trois69 , comme le prétendait Gilles Weil :

M. Mercun n’a lui conservé que 3 points de vente avec uniquement nos produits70 »,

mais 66 au moment de la reconduction de ses contrats avec PBI (février 1997) et 68 points de vente à fin 1998, lorsque ceux-ci ont été résiliés.

Les dirigeants de L’Oréal connaissaient la réputation sulfureuse de leurs partenaires russes

Plus on s’élève dans la hiérarchie de L’Oréal, plus les dirigeants de PBI se font discrets sur la réputation plus que douteuse de Vladimir Nekrasov, réputation dont ils avaient pourtant pleinement connaissance:

  • Le 25 mars 1997, Janez Mercun informe personnellement Serge Guisset de la réputation sulfureuse de Vladimir Nekrasov. C’est un sujet qu’il reprend dans une télécopie à Serge Guisset le 6 mai 1997 dans laquelle il propose de faire un voyage à Moscou avec Guillaume Sanchez pour y étudier la situation et visiter le show room et les entrepôts de M. Nekrasov – de préférence avec un agent de sécurité L’Oréal.
  • Le 3 avril 1997, Guillaume Sanchez informe Serge Guisset dans le même sens dans un rapport dont Gilles Weil, Gérard Guyot-Jeannin et Jean-Claude Bonnefoi ont reçu copie :

    « Nekrasov a, d’après ce que m’a dit P. Chalhoub, un profil douteux sur lequel je juge préférable de ne pas m’appesantir71 ».

  • Le 6 mai 1997, fax de Janez Marcun à Serge Guisset : « M. Nekrasov dédouane la marchandise d’une manière créative par des sociétés d’import qui ne paient qu’une fraction des taxes douanières et de la TVA… Leurs opérations sont illégales. Elles ont été fondées par des groupovki spéciaux (le mot russe correspond à ce que les journaux français appellent la mafia) et sont liquidées (ou disparaissent tout simplement) après quelques mois d’activité dans les importations ».
  • Le 22 mai 1997, Patrick Chalhoub, dans son mémorandum à Serge Guisset et Jean-Claude Bonnefoi, parle prudemment de Vladimir Nekrasov comme l’un des interlocuteurs compliqués et mystérieux avec qui il a eu affaire lors de son voyage à Moscou.

Sources:

Profil d’Arbat Prestige

Arbat Prestige

« Cette société moscovite et son propriétaire, V. Nekrasov, apparaissent désormais comme le principal pourvoyeur du marché russe, pour nos produits. Ainsi à fin mars 1997, sur 7  millions de dollars réalisés, 5.8 millions l’auront été par ce canal…72  ».

Dirigée par Vladimir Nekrasov, le milliardaire russe des cosmétiques, Arbat Prestige, fondée en 1989, et ses sociétés affiliées (Alvan Trading, Star Beauté…) ont été les partenaires clés de L’Oréal (PBI) en Russie pendant 8 ans :

  • de janvier 1997 au 31 décembre 1999 comme opérateurs du marché noir russe,
  • du 1er janvier 2000 au 31 décembre 2004, en tant qu’agents officiels de PBI pour la Russie (contrat Star Beauté).

Activité

Sous des identités différentes (Coulisse, Estivale, etc.), Arbat Prestige vendait aux grossistes et détaillants russes, souvent de piètre réputation, les marques de luxe de L’Oréal (PBI), fréquemment mélangées à des contrefaçons ou à des articles périmés.

Liens avec la mafia tchétchène?

Pendant trois ans (1997–1999), les tickets des caisses enregistreuses de ses entrepôts rue Natacha Kovchova, dans la banlieue de Moscou, indiquaient que le bénéficiaire du paiement était Infantal (à la même adresse).

  • Infantal faisait alors partie du Konzern Infantal lié à la mafia tchétchène ; son président, Ruslan Baisarov, a été évoqué lors de l’assassinat des directeurs généraux des hôtels Sovincentr et Rossia à Moscou.
  • Des intérêts tchétchènes contrôlaient les boutiques appartenant à des grossistes principalement livrées par Nekrasov73.

Lorsque Patrick Chalhoub s’est rendu à Moscou pour y rencontrer Vladimir Nekrasov en mai 1997, celui-ci lui a fait visiter les « bureaux en pleine rénovation  et… [les] entrepôts  d’Arbat Prestige74.

Arbat Prestige n’a ouvert son premier magasin qu’en 1998. Il en avait 2 au 31 décembre 1999, 4 en 2002… et 95 en juin 2008. Chiffre d’affaires 2006 : 346 millions de dollars.

Une réputation désastreuse

  • Selon un rapport (septembre 2004) de la société d’inspection moscovite Mostorginspekcija, « Arbat Prestige ne respecte pas les dates de péremption. Elle ne donne des informations ni sur les fabricants des produits et leurs adresses, ni sur leurs caractéristiques et leurs composants. Ces indications ne sont pas traduites en russe et il n’y a pas de certificats de qualité. »
  • Arbat Prestige a été mêlée à un trafic de contrefaçons chinoises (Produits Pullana) en février 2005. La Télévision de Moscovie l’a accusée de vendre des produits de contrebande, des contrefaçons et des produits périmés (6 juillet 2005).

Faillite en 2009

L’arrestation de Vladimir Nekrasov et de Semyon Mogilevich en 2008 est fatale à Arbat Prestige : à fin 2009, la société est en faillite, tous ses points de vente sont fermés. Son ancien patron Shabtaï von Kalmanovich est assassiné le 2 novembre 2009.

Sources:

La filière Nekrasov, clé du marché noir russe de L’Oréal

Tout porte à croire que Vladimir Nekrasov contrôlait ou détenait les différentes sociétés gravitant autour de son bras droit, Claudine Kawiak, directement impliquées dans le marché noir russe de L’Oréal :

  • Hermitage SA, fondée en 1994 par Malik Youyou et Claudine Kawiak dans le canton de Fribourg puis transférée dans le paradis fiscal suisse de Zoug. Ses actionnaires sont inconnus, comme l’autorise la loi suisse.
  • Star Beauté Ltd, constituée et dirigée par Malik Youyou et Claudine Kawiak à Londres en 1998, quelques semaines après avoir obtenu l’exclusivité de L’Oréal (PBI) pour la Russie à partir du 1er janvier 2000.
  • Alvan Trading Ltd, constituée à Londres en 1996. Bureaux à Londres, Moscou et à Dubaï (1996-2001). Celui de Moscou avait les mêmes numéros de fax et de téléphone qu’Arbat Prestige.

Hermitage SA, Zoug (Suisse)

Constituée dans le canton de Fribourg avant de migrer vers le paradis fiscal suisse de Zoug, cette société a été fondée en 1994 par Claudine Kawiak, Malik Youyou (tous deux de nationalité française) et deux hommes d’affaires russes : Mark Severinovsky et Vladimir Voronchenko75.

Ses actionnaires sont inconnus, comme l’autorise la loi suisse. Il est quasiment certain que cette société dépend directement des intérêts de Vladimir Nekrasov via Alvan Trading.

Contact direct PBI – Hermitage

« P&B76 a mandaté Maître Degueldre pour discuter avec les dirigeants du groupe Hermitage qui s’approvisionne à Dubaï chez Fitra… via un certain Martin. Les dirigeants créent Star Beauté pour exécuter le 1er contrat avec la marque Biotherm77 ».

Conseil d’administration

Au 14 décembre 1994, le conseil d’administration, présidé par Malik Youyou (de nationalité française), comprenait Claudine Kawiak, vice-présidente (de nationalité française), Vladimir Voronchenko (de nationalité russe), Roger Dunant (de nationalité suisse), André Kern (de nationalité suisse), Gotthard Hegi (de nationalité suisse), et Patrick Renaud (de nationalité suisse).

Anne Z’Graggen, de nationalité suisse, est entrée au conseil d’administration de Hermitage SA le 29 septembre 1998, succédant à Patrick Renaud, avocat de nationalité suisse, administrateur depuis la constitution de la société. Elle allait aussi être administratrice, jusqu’en 2002, de Star Beauté, filiale de Hermitage SA créée en 1998.

Participations

Hermitage SA avait une participation majoritaire dans Star Beauté (51%) ; celle-ci a été ramenée à 23% le 4 septembre 2001 après la cession d’un bloc d’actions de 28% à la Compagnie Financière Rochebrune.

Liquidation décidée en 2008

La société Hermitage a été liquidée le 1er septembre 2009. Décision de dissolution : 27 mai 2008. Vladimir Voronchenko a été membre du conseil d’administration de janvier 1995 à juin 2008.

Star Beauté Ltd, Londres

Constituée le 24 juillet 1998 à Londres et dirigée par Malik Youyou78 et Claudine Kawiak, tous deux de nationalité française et fondateurs de Hermitage SA en Suisse, ainsi que deux hommes d’affaires russes.

Son actionnariat comprend deux sociétés domiciliées dans des paradis fiscaux : Hermitage SA, Zoug (Suisse), majoritaire à 51%, Colfield (Îles Vierges Britanniques) avec 49%.

  • Le 19 juin 1998, L’Oréal octroie à Star Beauté l’exclusivité de ses marques de luxe de PBI pour la Russie à l’expiration des contrats Temtrade, dès le 1er janvier 2000 et pour dix ans. L’Oréal résiliera ce contrat par anticipation en 2004 en versant, sans aucune obligation contractuelle de sa part, 26 millions + 3 millions d’euros à des bénéficiaires dont elle est la seule à connaître l’identité.

 Il est probable que L’Oréal n’a pas pu résister à l’offre de ses partenaires russes (en clair : pressions, chantage, extorsions dans le style efficace de Semyon Mogilevich ou de Sergueï Mikhaïlov) de signer pour dix ans, ce qui revenait à en programmer dès le départ, la résiliation anticipée et le paiement de fortes indemnités.

  • L’art. 2, p. 1 du contrat précise avec 6 mois d’avance que les contrats liant PBI à la société Temtrade prendront fin le 31 décembre 1999. Temtrade n’en a été notifiée qu’à fin décembre 1998.
  • Dans le courant de 1998, Olivier Carrobourg note dans son ordinateur que « P&B79 [avait] mandaté Maître Degueldre pour discuter avec les dirigeants du groupe Hermitage qui s’approvisionne à Dubaï chez Fitra… via un certain Martin80. Les dirigeants créent Star Beauté pour exécuter le 1er contrat avec la marque Biotherm81».

Pour la période 1998-2005, Companies House Accountants (organe de révision) écrivait ce qui suit au sujet de Star Beauté :

  • « L’information dont nous disposons est limitée : les administrateurs ne se sont pas conformés au Financial Reporting Standard 8 car ils sont dans l’impossibilité de révéler l’identité des personnes exerçant réellement le contrôle de la société et les transactions les concernant, et toute autre transaction des parties. Nous n’avons pas été en mesure d’adopter des méthodes de révision satisfaisantes pour attester du respect de FRS 8. »
  • Arrivée d’un nouvel actionnaire: le 4 septembre 2001, la Compagnie Financière Rochebrune acquiert 28% du capital de Star Beauté à Hermitage SA, dont la participation est ramenée à 23%.

Alvan Trading Ltd, Londres

Alvan Trading permettait à Vladimir Nekrasov de contrôler l’ensemble du courant d’affaires Arbat Prestige sur le marché noir russe de L’Oréal.

Tous les produits de L’Oréal vendus par le circuit Arbat Prestige passaient par Alvan Trading – sur le papier. Commandes et paiements se faisaient via Alvan, soit encore par Scapa Trading, société-écran des Îles Vierges Britanniques, activée par Martin Rechberger, agent de L’Oréal à Bâle, sur instructions de Vladimir Nekrasov.

  • Incorporée à Londres en 1996, Alvan Trading Ltd avait un bureau à Moscou (mêmes numéros de téléphone et de fax qu’Arbat Prestige) ainsi qu’à Dubaï (1995-2001), où Nekrasov y a rencontré Patrick Chalhoub à deux reprises.
  • Le conseil d’administration d’Alvan Trading Ltd avait deux administrateurs de nationalité suisse : Yvette Ruegg (de 2000 à 2001), également administratrice de Star Beauté ; l’avocat Patrick Renaud, de la constitution de la société en 1994 à septembre 1998, également administrateur de Hermitage SA.
  • Actionnaires : sociétés-écrans domiciliées dans l’Île de Man, parmi lesquelles Reenstone Ltd, proche – tout au moins phonétiquement – de la société hongroise OOO Rinvey qui contrôlait 40% d’Arbat Prestige.
  • Alvan Trading Ltd a été liquidée en 2001.

Le Registre du commerce de Londres signale une autre société de la filière Nekrasov, Alvan Investment, où l’on retrouve comme administratrice, pendant un temps très bref (2000-2001), Anne Z’Graggen, également administratrice de Hermitage SA et de Star Beauté.

Colfield

Domiciliée aux Îles Vierges Britanniques, Colfield est un véritable « trou noir ».

Tout ce que l’on en sait est que Colfield devient de facto l’actionnaire majoritaire de Star Beauté (49%) le 4 septembre 2001 lorsque Hermitage SA réduit sa participation dans Star Beauté de 51% à 23% avec la vente de 28% à la Compagnie Financière Rochebrune.

  • Il est quasiment certain que Colfield est contrôlée par Alvan Trading – donc par Nekrasov, mais il n’a pas été possible de l’établir, vu l’opacité des paradis-fiscaux.

Compagnie Financière Rochebrune

Autre « trou noir », cette S.à.r.l. a été constituée le 27 avril 2001 à Luxembourg par-devant Me Jean Seckler, notaire de résidence à Junlinster.

Elle entre dans le capital de Star Beauté le 4 septembre 2001 en reprenant 28% du capital à Hermitage SA.

Le bilan au 31 décembre 2002, enregistré à Luxembourg le 21 juillet 2003, réf. LSO-AG05937, a été déposé au registre de commerce et des sociétés de Luxembourg le 25 juillet 2003. Signature : KPMG Financial Engineering, S.à.r.l.

Selon Dunn & Bradstreet, la Compagnie Financière Rochebrune est contrôlée à 100% par Hermitage Holding Ltd, domiciliée à La Valète (Malte).

Viktor Bout

Célébrissime trafiquant d’armes fournissant les pires régimes africains avec du matériel provenant des anciens pays du bloc communiste. Personnage flamboyant, génie de l’organisation et grand linguiste.

Né au Tadjikistan, il avait 20 ans lorsqu’il participe à une opération de maintien de la paix en Angola, avant de passer deux ans au Mozambique. Affecté ensuite en Biélorussie, Viktor Bout quitte l’armée pour devenir un trafiquant d’armes indépendant. Il se les procure à bon compte dans les casernes d’une Russie en pleine déliquescence.

Il livre des armes à la plupart des pays d’Afrique et d’Asie en guerre dans les années 1990 : 
Liberia, République Démocratique du Congo, Angola, les FARC (Colombie), Sri Lanka, 
Philippines.

Mais il travaille aussi pour des clients parfaitement honorables : transport de troupes et de matériel en Somalie pour l’ONU, opération Turquoise au Rwanda (transport de troupes françaises), diverses ONG, Programme alimentaire mondial des Nations-Unies, une filiale de L’Oréal à Dubaï… et même les Etats-Unis au temps de la guerre en Afghanistan et en Irak.

Poursuivi pour blanchiment d’argent, trafic de drogue, terrorisme (en raison de ses livraisons aux FARC), il est arrêté en 2008 en Thaïlande, extradé aux USA en 2009 où il est condamné en 2012, à 25 ans de prison et à une amende de 15 millions de dollars.

Wikipedia publie une bibliographie détaillée de ce trafiquant, héros de deux films, de deux documentaires et même de deux romans policiers par Gérard de Villiers.

Le hub de Sharjah

Pour ne pas rentrer en Russie à vide, les avions de Viktor Bout faisaient escale à l’aéroport de Sharjah aux Emirats Arabes Unis, situé à moins de 20 minutes de route de Dubaï. Ils y embarquaient des produits de contrebande – originaux ou contrefaçons – pour la Russie : parfums (dont ceux de L’Oréal pour le marché noir), informatique, médicaments, vêtements, alcools, etc.

Viktor Bout utilisait aussi les avions de la compagnie Air Cess, basée à Sharjah. Certaines photos satellites montrent plus d’une dizaine d’appareils lui appartenant ou affrétés par lui sur le tarmac de cet aéroport.

Arrivés en Russie dans un aéroport militaire, les produits ne payaient ni droits de douane, ni la TVA russe.

Le directeur financier de Parmobel à Dubaï de 1998 à 2000, Olivier Carrobourg, assistait parfois, à l’aéroport de Sharjah, au chargement des livraisons de L’Oréal au marché noir russe sur des appareils appartenant à Viktor Bout.

Sources:

  • Douglas Farah et Stephen Braun, Merchant of Death, New York 2007, pp. 6 et 42. Non traduit.
  • Tribune de Genève, Procès du marchand de la mort russe, 12 octobre 2011
  • Information et bibliographie détaillées sur Wikipedia : https://fr.wikipedia.org/wiki/Viktor_Bout.

Vyacheslav Kirillovich Ivankov

Co-fondateur d’Arbat Prestige avec Semyon Mogilevich
Appelé également Yaponchik  petit Japonais en raison de ses traits vaguement mongols – Ivankov, né en Géorgie de parents russes, s’est affirmé rapidement comme un caïd du crime organisé en URSS – trafic de drogue et d’armes, fabrication de faux papiers, marché noir.

  • Détenteur d’une participation de 25% dans la société d’exportation pétrolière Arbat International, créée par Semyon Mogilevich en 1980 dans îles anglo-normandes.
  • Lié à Sergueï Mikhaïlov dans plusieurs affaires liées à des entités du crime organisé ruse : Arigon, Arbat International.
  • Condamné à 14 ans de prison en 1982, il réussit à se faire libérer en 1991. En mars 1992, il s’installe aux Etats-Unis pour y surveiller les activités de la mafia russe, argument communiqué officiellement par les autorités russes et accepté par le FBI.

Il devient rapidement le patron du gang de Brighton, cercle mafieux émanant de la communauté des émigrés russes à Brighton Beach près de New York. Il y est arrêté et emprisonné en 1995 pour avoir extorqué 2.5 millions USD à une société financière américaine appartenant à deux Russes.

  • En 2004, il est extradé en Russie pour y répondre de l’accusation de meurtre de deux citoyens turcs à Moscou à fin 1992. Jugé non-coupable, il est acquitté en juillet 2005.
  • Il décède le 9 octobre 2009 des blessures subies lors d’une tentative d’assassinat le 28 juillet de la même année.

Selon certaines hypothèses échafaudées à Moscou, Ivankov tentait alors de prendre le contrôle suprême de toutes les bandes mafieuses russes. Cela ne se faisait pas sans résistances – ce qui laisserait penser que la tentative de meurtre dont il a été victime en juillet a été organisée par Kalmanovich, assassiné à son tour le 2 novembre. Les deux assassinats seraient des épisodes d’une guerre entre gangs rivaux. D’autres scénarios mettent en cause la mafia géorgienne et celle du Daghestan dans le Caucase.

Sources:

Sergueï Mikhaïlov

Mikhaïlov est le fondateur de l’organisation mafieuse Solntsevskaïa, du nom d’un quartier à Moscou – l’association la plus dangereuse et la plus sinistre de Russie, regroupant des gangsters qu’il avait rencontrés au Goulag.

Très proche d’Arbat Prestige et de Semyon Mogilevich, avec lequel il s’est associé très tôt dans sa carrière dans deux entreprises notoirement mafieuses :

  • L’Hebdo, hebdomadaire publié à Lausanne, écrivait le 12 novembre 1998 : « Semion Mogilevich, dit Seva... aurait créé plus d’une centaine de compagnies écrans et ouvert plusieurs comptes en banque au profit de la Solntsevskaïa. Enfin, une société le lierait à Mikhaïlov: Arigon Ltd. Les enquêteurs américains décrivent Arigon Ltd comme le cœur de l’organisation de Seva. Et Arigon Ltd aurait été créée en 1990 avec la firme Arbat International contrôlée notamment par Mikhaïlov. »

L’effondrement de l’URSS lui permet de prendre le contrôle de concessions automobiles, de banques, et même d’un aéroport public (celui de Vrockovo). C’est une espèce d’oligarque version gangster qui contrôle de vastes pans de l’économie russe.

Il s’installe en Israël grâce à un passeport établissant – à titre de complaisance – son origine juive. De là, ses affaires prennent une dimension mondiale grâce à ses relations avec les mafias sicilienne, américaine et colombienne.

Une aventure suisse qui finit bien (pour lui)

En 1995, Mikhaïlov arrive en Suisse où il crée un réseau de banques et d’institutions financières sous une façade de respectabilité conférée par des administrateurs professionnels. Selon des documents en possession des autorités judiciaires suisses, il aurait recyclé plus de 60 milliards de dollars dans les banques suisses.

Mikhaïlov est connu pour son redoutable talent à s’infiltrer dans des sociétés aux activités légales afin de blanchir des fonds criminels.

Arrêté en octobre 1996, il est acquitté faute de preuves. Il avait pris soin d’effacer ses traces, notamment par des assassinats. Malgré les documents rassemblés pour l’instruction et le témoignage de 80 témoins protégés par des gilets pare-balles lors de leur audition, il n’a pas été possible de le faire condamner : le gouvernement russe avait refusé de produire des documents essentiels.

Mikhaïlov a été jugé non-coupable des principaux chefs d’accusation levés contre lui. Sa culpabilité n’a été reconnue que sur un seul point, mineur ; comme il avait déjà fait deux ans de prison préventive, il a été libéré en décembre 1998.

« Il apparaît donc nettement que les autorités occidentales disposent de renseignements irrecevables par les juges. Malgré toutes les alertes qui reviennent cycliquement au sujet de Mogilevich, Mikhaïlov et d’autres gros poissons de la mafia russe, la police occidentale semble avoir les mains liées pour traduire ces hommes en justice. En 1996, la procureure suisse Carla del Ponte... a bâti un dossier très consistant contre Sergueï Mikhaïlov pour blanchiment d’argent. Malgré le renfort de témoins de premier plan (dont un officier de police russe contraint depuis à se cacher dans un programme de protection en Suisse), l’accusation s’est embourbée dans son dossier. Non seulement Mikhaïlov a été acquitté mais la Suisse lui a versé un demi-million de dollars d’indemnité pour détention abusive. 

 « Pas plus Mikhaïlov que Mogilevich ne se déplacent désormais en Occident (bien que le second possède toujours son passeport israélien). Mais ils gambadent librement autour de Moscou, ne paraissent pas malheureux et en tout cas pas embêtés par l’Etat russe. »

Misha Glenny, McMafia, Au coeur de la criminalité internationale, Denoël, Paris, 2009, p. 124.

Sources:

  • Arnaud Kalika, Russie : Le crime organisé, évolutions et perspectives, Notes d’Alert MCC, Département de recherche sur les menaces criminelles contemporaines, Institut de criminologie de Paris – Université Paris II – Panthéon-Assas, Octobre 2005.
  •  Le Russe que la Suisse croit arrêter, L’Hebdo, Lausanne, mis en ligne le 12 novembre 1998.
  • http://gangstersinc.ning.com/profiles/blogs/russian-boss-sergei-mikhailov.

51 http://visualrian.com/story/list_45148/494727.html pour les deux photographies.

52 Source : https://en.wikipedia.org/wiki/Shabtai_Kalmanovich. Notre traduction.

53 Article reproduit intégralement

54 Publié chez Little, Brown and Company, New York, 2000, l’ouvrage n’a pas été traduit en français. Concernant Kalmanovitch, cf. pp. 58-61, 98, 277 de l’édition américaine.

55 Nom d’un quartier de Moscou devenu celui du gang le plus redouté du crime organisé russe.

56 Misha Glenny, McMafia, Au coeur de la criminalité internationale, Denoël, Paris, 2009, p. 118.

57 https://archives.fbi.gov/archives/news/stories/2009/october/mogilevich_102109.

58 Tirés de la version anglaise de Wikipedia, qui diffère du site en français : https://fr.wikipedia.org/wiki/Semion_Mogilevich. Notre traduction.

59 https://fr.wikipedia.org/wiki/Semion_Mogilevich, légèrement modifiée.

60 Misha Glenny, op. cit., p. 124.

61 Guillaume Sanchez, Risque de diversion Moyen-Orient, cf.

62 Serge Guisset, Procès-verbal, cf.

63 Olivier Carrobourg, Témoignage, cf.

64 Guillaume Sanchez, Procès-verbal, cf.

65 Serge Guisset, Procès-verbal, cf.

66 Gilles Weil, Procès-verbal, cf.

67 Lindsay Owen-Jones, Procès-verbal, cf.

68 Olivier Loustalan, Procès-verbal, cf.

69 Cf. Encadré et Attestation des investissements de Temtrade en Russie au 31.12.1998, cf.

70 Gilles Weil, Procès-verbal, cf.

71 Guillaume Sanchez, Risque de Diversion Moyen-Orient, cf.

72 Guillaume Sanchez, Risque de diversion Moyen-Orient, cf.

73 Patrick Chalhoub, Marché russe, 22 mai 1997.

74 Vladimir Nekrasov à Patrick Chalhoub, Fax, p. 1, 30 mai 1997. Reproduit intégralement Nos italiques

75 Co-propriétaire de la chaîne de parfumeries Douglas-Rivoli et président de la Fondation Link of Time dont la mission est de rapatrier en Russie des objets constituant le patrimoine culturel et historique de ce pays. Cette fondation a été créée par l’oligarque Viktor Vekselberg, l’un des résidents les plus riches de Suisse.

76 Produits et Beauté (PBI).

77 Etude du Scellé N° Olivier Carrobourg DEUX (Notes du dossier « Corbeille » de son ordinateur), cf.. Martin est très certainement Martin Rechberger.

78 Cf. Note 48.

79 Produits et Beauté (PBI).

80 Probablement Martin Rechberger de Bâle, à la fois agent de L’Oréal pour deux zones franches, fournisseur de Vladimir Nekrasov à qui il sert de fiduciaire en Suisse.

81 Etude du Scellé N° Olivier Carrobourg DEUX (Notes du dossier « Corbeille » de son ordinateur), cf. cote 2.